Dans Une part d’ombre, Samuel Tilman nous emmène dans un thriller psychologique aux méandres opaques, pour les protagonistes comme pour nous spectateurs. Le pari est réussi. Auteur, réalisateur et producteur, lauréat d’un Magritte en 2011 pour son court-métrage Nuit Blanche, Samuel Tilman a aussi réalisé l’excellentissime série documentaire Kongo. On attendait donc son premier long-métrage de fiction, qui forcément avec un tel passif porte une signature d’auteur très particulière et n’est pas pour nous déplaire.
David, jeune père de famille comblé, bien sous tous rapports, passe le week-end dans les Vosges avec sa bande de potes. A son retour il est interrogé par la police au sujet d’un meurtre. Mais les fils du récit vont peu à peu dévoiler que cette vie irréprochable ne l’est peut être pas tant que ça, jusqu’à distiller le doute chez sa compagne et dans ses amitiés qui vont dangereusement vaciller. Le doute s’immisce peu à peu autour de David et le submergerait si son ami Noël (Baptiste Lalieu, Saule) et Marco (Christophe Paou) son avocat ne le soutenaient coûte que coûte.
La déliquescence de la situation de David du début du film à la fin est finement mise en scène et analysée. Il fallait bien Fabrizio Rongione pour incarner David, ce type normal, qui ne fait pas de vagues et qui va être montré aux prises avec une vérité qu’il est seul à connaitre. Natacha Régnier, sa femme est très juste dans les regards qu’elle lui porte. On comprend parfaitement qu’elle perd pied dans sa confiance envers l’homme qu’elle aime, elle ne le reconnait plus.
Outre un scénario bien écrit qui ballade le spectateur à son insu, les partis pris de réalisation sont affirmés. Lors des interrogatoires par exemple on ne verra pas la police et la caméra restera souvent centrée sur le personnage interrogé. On se moque ici de l’image au profit du son de l’interrogatoire. On regrette un peu le manque de changement d’échelle de plan au début du film pour envisager le groupe d’amis, les personnages et surtout David étant trop souvent filmés en plan serré sans que l’on ne puisse voir le hors champ. Le montage parallèle est intéressant dans la reconstitution qu’il propose des événements. Un puzzle se constitue ainsi au fur et à mesure des discussions de David, nous offrant de ci de là quelques éléments pour nous laisser espérer dénouer l’énigme, mais il n’en sera rien.
Même si la bande de potes offre pour son anniversaire un livre à propos d’un serial killer à David, héros de la fête, pour montrer que rien ne changera jamais dans leur amitié, l’univers quotidien du protagoniste va se fissurer de manière effrayante, en propulsant les personnages dans un vrai drame du réel.