La Part Sauvage est le poignant premier long-métrage de Guérin Van De Vorst. Ce drame se distingue par la maîtrise d’un scénario écrit par le cinéaste et un récit cinématographique extrêmement juste et bien senti, qui distille les éléments avec mesure sans jamais en faire trop. Ben, trentenaire, sort de prison et travaille dans le garage de son ami Anouar. Il tente de se réinsérer dans la société et de renouer le lien perdu avec son fils Simon, 10 ans, qu’il n’a pas vu depuis son enfermement 3 ans plus tôt. La tâche est rude avec le jeune garçon qui pensait son père à l’étranger. Cette relation père-fils est extrêmement émouvante. Devant une mère réticente à les voir renouer, Ben va devoir se débrouiller pour voir son enfant. C’est séparés par la grille de l’école lors des courtes récréations que vont avoir lieu leurs conversations volées. Comme si, bien que sorti à l’air libre, la prison continuait à cloisonner la vie de ce père pourtant volontaire face à une réinsertion compliquée, logeant dans un appartement vide. Ben croyant et musulman, va être vite soutenu par des amitiés chaleureuses de quartier comme Jo (Johan Libéreau) et un imam charismatique, Mustafa (Walid Akfir), qu’il connaissait autrefois comme un délinquant et ancien détenu, à qui il va faire confiance. Distribuer la soupe au pauvres, prier en groupe pourrait enfin être le commencement d’une réinsertion réussie.
Vincent Rottiers (Dheepan de Jacques Audiard) interprète remarquablement ce père écorché par la vie qui tente d’en démarrer une nouvelle, mais qui, faute de repères s’empêtre malgré lui dans les petits arrangements à négocier pour avancer. Son ami garagiste est joué par Sébastien Houbani (Noces de Stephan Streker). Son fils, tantôt mutique ou plus ouvert est incarné tout en nuances par Simon Caudry. Salomé Richard est également de la partie et interprète Lucie, une voisine solaire mais parfois envahissante.
La très belle musique originale signée Manuel Roland et Maarten Van Cauwenberghe adoucit la rudesse de cette histoire bouleversante. Servi par une réalisation au cordeau, le récit est implanté sur le canal limitrophe entre Bruxelles et Molenbeek qui semble rythmer le temps de l’action. Le canal coule inlassablement et on y revient comme à ces vagues, métaphore du bouleversement interne du héros. Un cours d’eau qui apparait comme un point central et stabilisateur de la narration dont manque cruellement Ben dont la vie est en morceaux.
Entretien avec Guérin Van De Vorst