L’usurpateur, de Robert Schwentke : désordre chez les nazis, film choc

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The Captain est un film choc. Le cinéaste allemand Robert Schwentke que l’on connait surtout pour ses grosses productions américaines (Flight Plan, Divergente 2 et 3) nous plonge en Allemagne à la fin de la seconde guerre mondiale, en 1945 exactement, alors que l’armée allemande se délite et que le chaos prend le pouvoir. Il raconte comment Willi Herold, Max Hubacher (Un train de nuit pour Lisbonne de Bille August), déserteur, va usurper l’identité d’un capitaine de l’armée pour survivre. Convaincant, il va créer sa propre unité en ralliant des soldats rencontrés sur son chemin. Chacun doutera de l’identité de l’autre, et pour survivre il faudra se dépasser, aller au-delà de la violence de l’autre. Les nazis auraient presque l’air d’enfants de coeur tant ils respectent un cadre, un ordre que viennent faire exploser les trublions menés par Herold, notamment quand ils parviennent à s’installer dans un camp de prisonniers. Au-delà de la description de ce personnage, le film est une vraie réflexion sur la survie dans un milieu violent et la question des limites.

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L’oeuvre est rude, efficace, bien filmée et mise en scène. L’image est en noir et blanc, mis à part un seul plan qui nous ramènera brutalement à la réalité et l’on comprendra que cette horrible fiction nous parle du réel. « Le Camp II », est simplement montré, humblement. On lit qu’il est aujourd’hui devenu un champ. Horreur, ce récit a bien eu lieu. On revoit ce dîner où Herold et ses amis nazis se goinfrent en riant des blagues juives de deux prisonniers jouant les comiques sur scène. Ce film est interpellant car il analyse presque les comportements humains face à la survie en milieu hostile et montre toute l’horreur dont l’homme est capable, comme dans cette scène où les soldats à genoux saouls se mettent à hurler comme des loups en se battant.

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Cette oeuvre vient en 2018 prendre place dans le cinéma allemand, dans la lignée du retour sur un passé traumatisant, en tant que fine analyse de la violence humaine implantée au milieu d’un système organisé autour de la violence. Bien loin la génération des cinéastes sans père allemande, Robert Schwentke pose le problème frontalement par rapport à l’humain. Le générique de fin nous interpelle alors que défile l’unité du capitaine Herold en pleine ville, dans une vielle jeep de l’armée, de nos jours. Ce ne sont plus des citoyens de 1945 qui sont malmenés mais des citadins d’aujourd’hui. C’est profondément troublant, comme un appel à la méfiance à une époque qui pourrait bien revenir. Une grande oeuvre.

Entretien avec le réalisateur Robert Schwentke