Mektoub my Love : Canto Uno, Abdellatif Kechiche réalise une comédie romantique et solaire sur la jeunesse

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Fable sur la jeunesse avec ses moments de vie, ses retrouvailles et ses amours, Mektoub my Love est librement Inspiré de La Blessure La Vraie, de François Bégaudeau sur un scénario co-écrit avec Ghalya Lacroix. Ce film choral est le premier volet d’une série de longs métrages envisagés par le cinéaste sur le registre de la Comédie Humaine de Balzac. C’est en partie la rencontre avec l’acteur principal Shaïn Boumédine (Amin), qui a provoqué chez lui le désir de réaliser plusieurs suites avec le comédien, jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de 45 ans. Cette envie avait déjà habité le cinéaste pour La Vie d’Adèle avec la comédienne Adèle Exarchopoulos, en suivant le roman graphique de Julie Maroh, Le bleu est une couleur chaude. Il n’a pu réaliser les chapitres 2 et 3 du film, puisque les événements en ont décidé autrement.

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Alexia Chardard (Charlotte), Shaïn Boumédine (Amin) et Ophélie Bau (Ophélie)

Apprenti scénariste installé à Paris, Amin revient pour les vacances d’été dans sa ville natale de Sète. Entre paysages idylliques de bord de mer et plages de sable fin, l’endroit est paradisiaque. Ce film choral dresse un regard particulier, en 1994, sur de multiples protagonistes, des jeunes gens libres qui expriment toute la fougue de leur âge. Amin retourne voir ses amis d’enfance, sa famille et son entourage, focalisé autour d’un restaurant tunisien animé. C’est la chaleur humaine, la fête et la convivialité au sein d’un microcosme omniprésent dans lequel tout se sait.

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Salim Kechiouche (Tony) et Ophélie Bau (Ophélie)

Amin, Shaïn Boumédine, est un vrai héros romantique au regard noir profond. Photographe, il est plus un témoin en recul qui observe ce qu’il se passe autour de lui qu’un véritable acteur de l’histoire. Son amie d’enfance, l’extravertie Ophélie, Ophélie Bau, lui rappelle, dit-il, la statue de la place de la Nation à Paris. Il s’agit du Triomphe de la République de Jules Dalou, initié à l’époque pour commémorer la République Française. Clin d’œil du dialogue à la liberté du personnage. Femme multiple, sexy en diable – voir trop – en mini short dans une boite de nuit, elle se transforme en bergère pour prendre soin des brebis de la ferme familiale. Tony, Salim Kechiouche, véritable antithèse de son cousin Amin, se jette dans l’ivresse des corps. Céline, en vacances dans la région, avec qui Amin nouera une amitié à défaut de mieux, est interprétée par Lou Luttiau, une révélation. On retrouve aussi la comédienne Hafsia Herzi (La graine et le mulet), dans le rôle de la tante d’Ophélie.

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Lou Luttiau (Céline)

Abdellatif Kechiche porte un regard très masculin – comme son héros – très sexué sur les choses, qui peut parfois déranger, notamment par sa manière de filmer les femmes. Le cinéaste s’attarde sur les corps, les peaux et les rondeurs féminines. On ne compte pas une seule jupe longue dans les costumes et beaucoup de soutien-gorges. Mais c’est aussi la liberté de choix des personnages de s’habiller comme ils le souhaitent et de nouveau, le retour à cette année 1994 où les libertés étaient plus vastes qu’aujourd’hui, post-attentats, avec tous les carcans religieux qui ne sont pas présents dans le film, même si celui-ci débute par deux citations qui portent sur la lumière, l’une issue de l’Evangile de Saint Jean et l’autre du Coran.

Et ce qui frappe dans ce film, c’est bien son côté solaire, lumineux. L’apothéose se situe dans cette séquence de naissance de brebis éclairée d’une lumière presque divine. Ces émouvantes et belles images de réel relient le cinéaste et son héros photographe, qui immortalisent tous deux ce moment à l’unisson.