Dernière minute! Les frères Dardenne remportent le Prix de la Mise en Scène au 72e Festival de Cannes
Enfants chéris du Festival de Cannes, lauréats de deux Palmes d’Or, les frères Dardenne (Entretien) reviennent sur la Croisette présenter Le Jeune Ahmed. Un drame psychologique au sujet brûlant déjà traité récemment au cinéma, le radicalisme. Les cinéastes s’emparent à bras le corps de ce sujet et renouent avec l’énergie et le cinéma sans concession de leurs débuts. La caméra, nerveuse, suit le personnage principal pour ne plus le lâcher, traquant l’intime et sa violence. Un grand cru. .

Comme à l’accoutumée les cinéastes ne prennent pas le spectateur par la main et l’on pénètre dans ce drame par une première scène abrupte. Un plan serré, un peu décadré sur un escalier, qu’un jeune enjambe précipitamment quatre à quatre, de dos. Ce jeune homme c’est Ahmed, adolescent de 13 ans. Tiraillé entre les idéaux de pureté de son Imam et les appels à la vie, Ahmed vit en Belgique. Lunettes vissés sur le nez, taiseux et un peu réservé, Idir Ben Addi interprète superbement le jeune homme. Ahmed est un bon garçon à qui, sans mauvais jeux de mots, « On donnerait le bon dieu sans confession ». Ce personnage à l’apparence sympathique semble parfois si fermé qu’il en devient insaisissable, ce qui le rend d’autant plus passionnant.

Avec un scénario extrêmement bien écrit, singulier par les rebondissements qu’il provoque et la justesse de ses situations, les Dardenne frappent un grand coup. Ils s’emparent dans ce drame de sujets sociétaux complexes qu’ils osent analyser à partir de l’intimité d’un jeune adolescent. La fiction pose ainsi la question de l’apprentissage de l’arabe comme un thème fondamental. Madame Inès, Myriem Akheddiou, professeur à l’école des devoirs, souhaite enseigner des chansons en arabe à ses élèves pour élargir leur vocabulaire dans cette langue. Les parents d’élèves vont débattre : faut-il apprendre l’arabe à la Mosquée, dans le Coran pour éviter que la religion ne se perde, ou peut-on l’apprendre à l’école, par des chansons ? (bannies par les radicaux). Permettre à tous de connaître ce qui est réellement écrit dans le Coran (et éviter d’éventuels mensonges transmis par les intégristes) est bien l’intention première de madame Inès. Du haut de ses treize ans, Ahmed rejettera ces cours et se refusera à serrer la main d’une femme. « C’est impur », comme le lui a enseigné son imam, Othmane Moumen. Le parcours du jeune garçon est passionnant. D’adultes largués comme l’est sa mère, Claire Bodson, il en rencontrera d’autres plus solides face à sa situation comme son éducateur de référence, Olivier Bonnaud.

L’impression de réalité qui se dégage et l’attention du détail portée à l’intime et au quotidien font toute la force du récit. Les frère Dardenne parviennent à donner une dimension intime et proche du réel qui rend certaines scènes franchement émouvantes. Comme celle de l’incommunicabilité de cette mère désespérée avec un fils pas méchant mais impénétrable. On est toujours très proche des personnages par des cadrages très serrés. Chez ces cinéastes il n’y a pas de déchets, pas de vide laissés au hasard dans un cadrage hasardeux. La crédibilité narrative et l’intensité de l’énergie qui s’en échappe créent la richesse et la vérité de ce cinéma.
A lire : Entretien avec Luc et Jean-Pierre Dardenne
Avec Myriem Akheddiou
Photo de couverture : Copyright Christine Plenus