Varda par Agnès, l’épopée majestueuse d’une grande petite Dame

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Dans Varda par Agnès, un titre qui rappelle Jane B par Agnès V, Agnès Varda réalise à la fois une superbe leçon de cinéma et un autoportrait original en se livrant face au public. Assise sur un fauteuil de cinéma portant son nom, la cinéaste s’adresse sur scène au public d’un théâtre, dos au spectateur du film, première scène où l’on sourit déjà devant ce dispositif osé et l’humour mutin de cette si grande petite Dame.

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Egrainant sa carrière par sujets et thèmes qu’elle affectionne, la cinéaste revient sur sa méthode de travail, la Cinécriture, et démontre la recherche et l’expérimentation dont elle a fait preuve dans toute sa carrière. Bien que décédée récemment, on se rend compte combien l’intérêt de cette cinéaste pour le monde l’a maintenue curieuse et créative jusqu’à la fin.
Retour donc sur les films qu’elle a réalisés et dont on en oublie souvent tant ils sont nombreux et variés. Celle qui a osé réunir De Niro et Deneuve (Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma) est aussi celle qui, sensible alors aux jeunes partis sur la route, filme Sandrine Bonnaire dans Sans foi ni loi. Ce qui la caractérise sans doute était de s’intéresser comme elle le dit si bien, aux « vrais gens ». C’est d’ailleurs ce qui a valu à Visages Villages l’Oeil d’Or du documentaire au festival de Cannes et qui avait commencé bien plus tôt, dans sa rue, la rue Daguerre à Paris où elle tourna Daguérréotype. Même constat dans Les Glaneurs et la Glaneuse qui s’intéressait aux gens qui ramassent les légumes qu’on jette. Ceux que le cinéma montre peu, ou pas.
La seconde partie du film nous invite à la découvrir comme Visual Artist. On revoit alors son amour pour la peau fripée des patates suite au documentaire précité, et la création d’installations, les expositions, le soutien de la Fondation Cartier… La 50e Biennale de Venise en 2003 où ne reculant devant rien, elle se déguisera en patate.

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Agnès Varda évoque en filigrane une vie personnelle forcément liée à son oeuvre. On retrouve son goût pour la chanson – celle chantée pile au milieu – de Cléo de 5 à 7 par l’héroïne (Corinne Marchand), lien à son défunt mari réalisateur de comédies musicales mythiques, Jacques Demy (Peau d’âne, Les Parapluies de Cherbourg). Son passage aux States et sa découverte des Black Panthers, dont elle filmait les manifestations en s’annonçant, audacieuse avec sa petite caméra, de la « Belgium TV ». On aperçoit aussi le jeune Mathieu Demy leur fils, une dizaine d’année, jouer avec Jeanne Birkin puis tourner dans d’autres films un peu plus tard.

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Dans ce documentaire, le dispositif de mise en scène très simple évolue légèrement au cours du récit. D’abord seule face caméra, la cinéaste s’entretient avec un invité de passage. La Directrice photo Nurith Aviv ou Sandrine Bonnaire seront ainsi conviées à s’exprimer. Nous la retrouverons ensuite dans des lieux phares de son oeuvre comme sur une plage. Cela nous rappelle les plages d’Agnès, ou La Pointe Courte, son premier court-métrage réalisé en autodidacte au bord de la mer Méditerranée, à Sète.

Qui mieux qu’Agnès Varda pouvait raconter sa carrière ? Celle qui reçut en 2017 à Hollywood un Oscar d’Honneur pour l’ensemble de son oeuvre nous offre une véritable pépite qui pour le coup, ne s’éteindra jamais dans les lumières des projecteurs de cinéma.

Entretien avec Agnès Varda pour Visages Villages