Proxima d’Alice Winocour, Vertige pour Eva Green entre intime et infini

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Proxima est le nom de la mission spatiale d’un an dans laquelle l’astronaute française Sarah Loreau s’apprête à embarquer. En évoquant un voyage spatial imminent, Alice Winocour nous ouvre les portes de l’intime entre une mère et sa fille face à l’univers, dans une vision nouvelle de la course à l’espace. Ce film onirique s’impose comme l’un des meilleurs de l’année. Ce drame intimiste familial très émouvant relate le trajet de cette femme ingénieure vers l’espace entourée d’hommes. Chemin ardu composé d’entrainements physiques et mentaux mais surtout celui de la destinée d’une mère contrainte de laisser sur terre sa fille de 8 ans. (A lire: Entretien avec Alice Winocour).

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Alice Winocour réunit un casting brillant. C’est un très grand rôle pour Eva Green qui excelle en ambitieuse et courageuse astronaute, prête à réaliser son rêve d’enfant. Sa fille, jeune brunette aux yeux clairs, Zélie Boulant-Lemesle, n’est pas en reste et lui donne la réplique brillamment. Sara embarquera avec l’américain Mike, Matt Dillon (dont le visage connu internationalement est utilisé intelligemment dans la diégèse du film comme un gage de sérieux dans cette mission spatiale et donne de l’étoffe au récit) et le russe Anton, Aleksei Fateev (Loveless de Andreï Zviaguintsev).

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Proxima impose un équilibre fragile entre l’intime et l’inconnu qui s’impose à la mère comme à sa petite fille, celui du questionnement intrinsèque de la séparation des protagonistes par l’espace. Il faudra pour les personnages rendre rationnel ce qui ne l’est pas, comme le mystère de l’existence. Dans des scènes poétiques l’enfant fera face à la profondeur de l’univers et lorsqu’elle marchera sur une reconstitution du sol lunaire, le spectateur la prendra forcément en empathie. La séparation suppose d’accepter l’installation d’un vide abyssal entre la mère et l’enfant. Que la petite fille, Stella, accepte de voir partir sa mère dans l’immensité du vide et que la mère parvienne à se concentrer suffisamment malgré la souffrance de la séparation, est un challenge en soi. Elles pourront encore se voir durant la préparation au sol, en comptant sur la précieuse aide de la psychologue Wendy, Sandra Hüller (formidable dans Toni Erdmann de Maren Ade). Tandis que l’ex-mari de Sarah, un astrophysicien Allemand, Lars Eidinger, s’occupera de Stella.

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On regarde la terre du point de vue des personnages, comme un espace chéri et précieux où les frontières sont abolies au profit de la séparation terre/espace. Comme expliquera Sarah à sa fille dans un message vidéo, « Dans l’espace on ne sent pas le souffle du vent sur la peau, dans la forêt chaque arbre est un cadeau ». Il existe dans ce film une dimension mystique liée au mystère de la vie. On pense bien sûr aux films de Terrence Malick – référence en la matière – qui évoquent le divin. Mais ici les personnages sont heureusement plus ancrés dans la réalité. Les frontières s’estompent dans le film et les protagonistes passent d’une langue à l’autre sans aucune gêne. Sarah parlera Français puis anglais, allemand avec son mari ou russe en arrivant dans le pays. Les personnages voyagent et se mélangent pour que finalement les nationalités s’effacent privilégiant ainsi l’homme en tant que figure face à l’univers.

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A travers le parcours de cette astronaute on entrevoit la réalité de la situation d’une femme prête à aller dans l’espace. Joie, fierté d’être là, mais aussi le devoir de prouver plus qu’un homme. Mike, provocateur, la qualifiera de « touriste spatiale ». Physiquement, mais aussi mentalement, l’astronaute devra à la fois lutter contre sa nature pour ne pas voir sa fille grandir et la colère légitime de l’enfant.
Une superbe bande originale du compositeur Ryuichi Sakamoto (The Revenant, The Last Emperor) transcende le film, donne chair à ces ambiances qui touchent à l’indicible. Alors que ce film et sa problématique sont exceptionnels – on a rarement vu une astronaute au centre du récit se fondre au milieu des hommes – et l’on s’aperçoit lors du générique de fin – fait peu connu – qu’elles furent un certain nombre à s’être engagées vers l’espace en laissant leur petit bout sur terre. De grandes femmes et surtout un très grand film.

Entretien avec Alice Winocour