Premier long métrage de Mati Diop, Atlantique a décroché le Grand Prix du Jury au dernier Festival de Cannes. Drame du réel surprenant, ce long métrage social et onirique s’imprègne de différents genres. Mati Diop s’inspire de diverses influences, notamment des croyances africaines. Cette mixité particulière constitue le charme et la richesse de ce film si singulier.
C’est de l’autre côté de l’océan, constamment présent dans le film à l’image comme au son, des vagues qui bercent le bord de mer que prend place le récit. Dans la banlieue de Dakar, Souleiman, Ibrahima Traoré, travaille sur le chantier d’une imposante tour futuriste. Sans salaire depuis plusieurs mois il décide avec ses jeunes collègues ouvriers de s’embarquer sur l’océan vers un avenir meilleur. Sa maitresse Ada, Mama Sané, est promise en mariage. Un incendie dévaste la fête d’union de la jeune femme et de mystérieuses fièvres s’emparent des filles du quartier. Un jeune inspecteur Issa, Amadou Mbow est alors chargé de l’enquête.
Mati Diop choisit de montrer l’espoir européen depuis l’Afrique, à travers une très belle histoire d’amour. En peu de scènes les problèmes des jeunes hommes du quartier sont exposés. Responsables de leurs familles, ils s’épuisent à un travail éreintant sans même recevoir leur paie. Cet océan que regarde toujours Souleimane, promesse d’un avenir meilleur est extrêmement poétique. Quand le départ se produit, le passage à l’acte, le danger est soudain douloureusement ressenti par celles qui restent.
Personnage féminin passionnant, la jeune Ada se révélera face au drame. Effondrée de chagrin, promise en mariage à un autre, l’héroïne tout en ne se rebellant pas de manière violente, ne va pourtant pas se laisser faire. Elle se retrouvera être le point de convergence des discours jugeants qu’elle subit. Sa sœur, la religieuse Mariama, Mariama Gassama, qualifie ses amies de « pétasses ». Ces mêmes amies jalousent son mariage comme le fait Fanta, Amina Kane : « T’as touché le jackpot ». Une autre, tenancière du bar du coin, sans famille mais indépendante, Dior, Nicole Sougou, soutiendra son autonomie. Ada va faire des choix pour devenir une femme. Mati Diop dénonce la position de la femme au Sénégal. L’inexorable poids de la tradition est accepté comme une évidence par les protagonistes qui pour certaines font contre mauvaise fortune bon cœur. Ada elle, est ulcérée par ce qui lui arrive mais agit comme un automate, subissant même un test de virginité demandé par ses parents, garant de leur honneur si précieux.
Mati Diop nous emmène au-delà du réel vers le fantastique par les influences des croyances religieuses qui vont se mêler brillamment au genre du zombie, notamment par la présence de Djinns, ces esprit surnaturels de l’islam.
La bande son est capitale dans cette histoire avec les sons du vent, de l’océan omniprésents. La musique de Fatima Al Qadiri magnifie le récit, couvrant parfois les chants des personnages et provoquant une dramatisation intense de certaines séquences. Un film singulier et bouleversant. Social, politique, fantastique et divinement poétique.