
Albert Dupontel a encore frappé. Adieu les Cons nous emmène dans un univers fantasque et imaginaire, comme lorsque les personnages grimperont cet escalier infini en colimaçon. On se laisse emmener avec eux dans ce nouvel univers de l’acteur-cinéaste en fermant les yeux aveuglément. Derrière une vision du monde acerbe, en suivant un trio de pieds nickelés, on croisera dans cette comédie noire et burlesque Terry Gilliam pour ce joli hommage à Brazil. Le film est dédié à Terry Jones, l’ancien acolyte des Monty Python. Albert Dupontel (Entretien) a présenté Adieu les cons au FIFF à Namur, où il a décroché le prix du public et Virginie Efira le Bayard de la Meilleure interprétation.

Apprenant qu’elle est atteinte d’une grave maladie, Suze Trappet, 43 ans, se lance à la recherche du fils qu’elle a été forcée d’abandonner lorsqu’elle avait 15 ans. Dans sa quête administrative elle rencontrera JB, quinquagénaire en burn out et Monsieur Blin, un archiviste aveugle romantique.

L’urgence dramatique tient du thriller, le rythme est rapide et les dialogues, remarquablement écrits, claquent. On retrouve ici la patte si particulière du cinéaste, une dimension inspirée de la BD avec un univers noir, de l’humour et une forte tendance à l’onirisme.

Le trio burlesque fonctionne remarquablement bien. Talons hauts et jupe crayon, Suze Trappet, l’émouvante Virginie Efira, bien loin de cette société totalitaire avec un cœur tatoué dans le cou, parle à son double adolescent. Informaticien désabusé, JB, Albert Dupontel verra ses projets d’avenir complètement perturbés. M. Blin, Nicolas Marié, sortira canne à la main de sa cache d’archiviste, en pleine lumière, inopinément accompagné de ses deux nouveaux acolytes. Albert Dupontel porte un regard bienveillant sur ses personnages, charismatiques et émouvants. Malheureux, en marge de la société, ils sont inadaptés à un monde déshumanisé. Ils sont coincés dans la faille entre le monde numérique et le monde réel, celui de l’émotion. Des écorchés. Bras-cassés ou pas, ensemble ils seront plus forts, pour le meilleur ou le pire. Comme le héros de Brazil, chacun sera victime de hasards malheureux et poursuivra le graal de la belle. Le monde administratif est aussi tentaculaire, fou, et visuellement les (beaux) effets sont là.

Outre des protagonistes touchants, l’émotion naît aussi de la confrontation de la violence de la société avec la beauté qui soudain surgit dans des choses pures et simples, comme un handicapé qui abandonne son fauteuil pour se tenir debout. Dans la froideur ambiante, une petite musique soudain tintinnabule, nous rappelant que l’imaginaire n’est jamais bien loin. Au fond chez Dupontel le monde n’est jamais si sérieux, il le dédramatise par l’imaginaire. On peut se poser la question de la vision d’un monde aussi sombre, mais ouf, ici c’est une comédie émouvante, où le grandiose explose dans la lumière.
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