Minari, un rêve coréano-américain éveillé

Minari fait partie de ces pépites cinématographiques que l’on cherche tant à découvrir sur le grand écran d’une salle de cinéma. Lee Isaac Chung signe un émouvant drame familial formidablement réalisé avec des acteurs attachants. L’auteur coréano-américain revisite le rêve américain à travers le destin d’une famille coréenne qui s’installe en Arkansas, terre promise des années 80, pour y construire une ferme. Mais le rêve et l’intégration aux USA ont un coût. Grand prix du jury et prix du public à Sundance, Minari a été sacré Meilleur film en langue étrangère aux Golden Globes 2021. Nommé plusieurs fois aux Oscars, c’est la finalement la malicieuse septuagénaire Yuh-Jung Youn qui a remporté l’Oscar du Meilleur second rôle après s’être exclamée face à l’acteur qui lui offrait la statuette « Monsieur Brad Pitt enfin ! Je suis ravie de faire votre connaissance ».

Un père de famille coréen, Jacob Yi, tente de se transformer en self made man, devenant entrepreneur de sa ferme. Et on peut dire qu’il travaille, remarquablement interprété par Steven Yeun (Burning de Lee Chang-dong et la série Walking Dead). Son épouse, Monica, Yeri Han,suit les projets de son homme un peu malgré elle. Leur fille Anne, Noel Cho, veille sur son fragile petit frère David, un adorable jeune garçon campé par le formidable Alan S. Kim. L’arrivée de leur grand -mère coréenne dans ce contexte, personnage haut en couleur et anti-conformiste va bousculer le fragile équilibre de la petite famille. La célèbre actrice coréenne Yuh-Jung Youn, est exceptionnelle dans le rôle de cette grand-mère qui selon son petit fils « n’en n’est pas une vraie ». Tout en s’exprimant dans un anglais très relatif, la vielle femme apporte avec elle la Corée, la part traditionnelle de cette famille immigrée, l’émotion, les sentiments d’un passé très présent. La famille expérimente le mélange de l’immigration : les parents sont immigrés coréens, les enfants élevés à l’américaine portent des noms occidentaux et parlent à la fois anglais et coréen. Le film raconte aussi la richesse de venir des deux mondes, le jeune garçon va découvrir ses racines grâce à la rencontre avec sa grand mère (par la nourriture notamment) et les rejeter. Sa mère, elle, est bouleversée d’accueillir sa propre mère aux USA.

Ecrit par Lee Isaac Chung lui-même, le scénario est d’une finesse remarquable. On ressent le vécu dans cette histoire, le cinéaste aux racines coréennes comprend de l’intérieur l’histoire qu’il nous conte. Dans Minari, l’attention est toujours basée sur des choses simples et essentielles, la vie. L’art de la mise en scène nous plonge dans une nature envoûtante par des plans séquences doux, des cadrages millimétrés et grâce à la musique planante d’ Emile Mosseri qui était lui aussi nommé aux Oscars.

Minari propose une vue progressiste sur l’immigration et lève les clichés sur la figure de l’immigré. Lee Isaac Chung sème l’idée que l’immigré ne l’est finalement pas tant que cela, car en cultivant ses terres il est à égalité avec les autres hommes : un citoyen de la terre, accessible à tous.