Un héros d’Asghar Farhadi, un récit initiatique magistral dans l’Iran d’aujourd’hui

Asghar farhadi (Une Séparation) réalise avec Un Héros (Ghahreman) une fresque grandiose. Le cinéaste nous livre ici son plus grand film en investissant les méandres de l’âme humaine face à la vérité, la manipulation et la justice. Alors qu’on s’attendait à le voir couronné Palme d’Or au dernier festival de Cannes, le film a étonnamment reçu le Grand Prix, ex-aequo avec Compartiment numéro 6 de Juho Kuosmanen. Et même si l’épopée ferroviaire russe d’une jeune finlandaise méritait dans son genre un prix singulier, Un Héros eut mérité un très grand prix à la mesure de sa qualité… Mais on ne refera pas le passé. A lire également, notre entretien avec Asghar Farhadi lors de sa venue à Bruxelles.

Calligraphe et père divorcé, Rahim purge une peine de prison suite à une dette qu’il n’a su honorer. Lors d’une permission de deux jours, il tente de convaincre son créancier de retirer sa plainte contre une partie de la somme. C’est alors que sa compagne, Farkhondeh, trouve par hasard un sac de pièces d’or…

Asghar Farhadi réalise une fable à la richesse narrative impressionnante. Son mystère et sa complexité sont exemplaires. Loin de tout manichéisme, le cinéaste cultive la richesse du détail, à commencer par des protagonistes dont l’ambigüité forte leur procure de multiples facettes. Le héros Rahim, Amir Jadidi, prisonnier au visage innocent s’illumine d’un constant et étrange sourire. Sa promise, Farkhondeh, Sahar Goldust, orthophoniste de son fils, est une femme entreprenante d’une beauté rare. Un couple beau et un sac de pièces d’or, voilà qui promet un merveilleux début de conte de fée. Barham, Mohsen Tanabandeh, à qui Rahim doit de l’argent n’est pas le méchant détestable que l’on soupçonne. Il a des raisons de vouloir récupérer son dû. Chacun développera plusieurs facettes de sa personnalité dans une complexité ciselée proche du réel.

L’évolution des personnages se créé au fil du récit sans qu’ils ne décident réellement de leur destin, emportés dans des événements qui les dépassent. Le regard enfantin occupe comme dans d’autres films du cinéaste une place particulière. Siavash, le jeune fils bègue de Rahim vit chez son oncle et sa tante. La prestation du jeune acteur est bouleversante. Il observe, subit et veut agir face aux événements qui l’entourent.

Dans cette histoire écrite par le cinéaste, l’émotion domine les réactions de la foule. Sur les réseaux sociaux on aime aussi vite que l’on déteste et la vindicte populaire agit parallèlement à la justice officielle dans un jugement encore plus tranché. L’hypocrisie d’une certaine société humaine est dénoncée. Notre héros deviendra tour à tour détesté ou adulé. Farkhondeh ne peut avoir librement une relation hors mariage malgré la beauté du couple qu’elle forme avec Rahim. A 37 ans, elle est soumise au consentement et à la bonne volonté du frère chez qui elle vit. On citera aussi ce certificat d’intrégrité fièrement porté par un fils qui s’y accroche comme si sa propre vie en dépendait, la fierté de redonner une réputation a son père.