
Lingui, les liens sacrés est un drame réalisé par le franco-tchadien Mahamat-Saleh Haroun. Cette œuvre essentielle évoque le carcan dont les femmes tchadiennes sont victimes de la part d’une société dominée par le patriarcat et la religion. Le cinéaste multi-récompensé pour son oeuvre remportait en 2010 le Prix du Jury à Cannes pour Un homme qui crie. Lingui, les liens sacrés concourait cette année en Compétition Officielle au 74ème Festival de Cannes.
Entretien avec Mahamat-Saleh Haroun.
L’histoire prend place dans la banlieue de N’djamena au Tchad. Amina vit seule avec sa fille Maria, Rihane Khalil Alio. Lorsqu’elle apprend que sa fille est enceinte et que celle-ci ne souhaite pas garder l’enfant, son monde vacille. Au Tchad, l’avortement est interdit non seulement par la religion mais aussi par la loi. Les médecins sont passibles pour cet acte de cinq ans d’emprisonnement et empêchés d’exercer leur métier. Amina reçoit l’annonce de cette grossesse et de son refus comme un tremblement de terre. Interprétée par l’impressionnante Achouackh Abakar, Amina est une héroïne, une warrior du quotidien. Ancienne Fille-mère, cette femme après avoir subi l’enfer, vit en toute indépendance. Reniée par sa famille, perçue dans la société comme une mauvaise femme, elle survit en travaillant dans l’artisanat. Elle achète des pneus et à partir des fils de fer qu’elle en retire, tisse des réchauds qu’elle vend dans la rue.
La mise en scène, tout en simplicité, propose des plans sublimes. Mahamat-Saleh Haroun donne à voir la beauté des choses sur le grand écran. Le cinéaste nous raconte à travers l’histoire de ces deux personnages féminins l’impossibilité pour les femmes de vivre de manière indépendante au Tchad. La religion comme les hommes les chaperonnent. L’imam s’immisce dans la vie d’Amina, insiste pour qu’elle se rende plus souvent à la mosquée et lui demande de lui confier ses problèmes. Le voisin Brahim, Youssouf Djaoro, l’invite pour la protéger car naturellement, « Il lui faut un homme ». Tous veulent la contrôler et se mêler de sa vie.
« Les liens sacrés » finalement les sauveront (Lingui en Tchadien), ceux de la sororité. Certaines femmes discutent entre elles dans un pays qui les annihile. Avortement, circoncision, les petits arrangements au féminin se font à l’écart des hommes et de leur fierté. Elles n’ont pas le choix, de vraies héroïnes.