Après Noces, Stephan Streker réalise L’Ennemi un thriller librement inspiré de faits réels. On reconnait derrière la fiction « l’affaire Bernard Wesphael » qui fut accusé d’avoir tué sa femme Véronique Pirotton retrouvée morte dans une chambre d’un hôtel d’Ostende en 2013. De cette histoire Streker construit un thriller intime, rythmé, semant le doute sur la culpabilité de l’accusé, qui, député wallon alors inconnu en Flandre, n’a pas bénéficié de son immunité parlementaire. Le film a récemment remporté le prix du Meilleur film et celui du Meilleur acteur pour Jérémie Renier à la London Film Week 2021.
Le cinéaste nous présente un couple passionnellement amoureux, qui s’aime et se déchire de baisers en bagarre sur fond de soirées arrosées d’alcool. Quand un jour Louis Durieux, Jérémie Renier, retrouve sa femme Maeva, Alma Jodorowsky, morte dans leur chambre d’hôtel, l’homme est sonné, victime d’un black-out. Est-il innocent ou coupable ?
La première partie du long métrage nous présente un couple sous l’angle d’une chorégraphie des corps, sous forme de danses, bagarres, ou enlacements, sans laisser la place à une quelconque psychologie des personnages. On ne connait pas ce couple et la femme restera pour le spectateur à l’état d’image. Une beauté éphémère envoûtante dont la psychologie nous est refusée. Streker commence par ces séquences de clips avant d’entamer le récit. La narration s’intensifie quand l’homme politique est incarcéré, face à lui-même et à son « ennemi intime ». Jérémie Renier livre une prestation puissante. On aurait peut-être aimé une description de la prison un tantinet moins édulcorée et plus réaliste. Le co-détenu est aussi fort sympathique très bien interprété par Félix Maritaud. Le casting très intéressant compte Emmanuelle Bercot en avocate dévouée, Zacharie Chassériaud en fils présent, ou encore côté flamand, Peter Van Den Begin en hôtelier qui recevra le premier témoignage.
On peut s’interroger sur le besoin d’adapter au grand écran une histoire si connue. Le fait divers présent dans l’inconscient collectif d’un public belge au courant de cette affaire hautement médiatisée parasite un peu le récit. Ceci d’autant plus que le cinéaste semble prendre parti pour son héros, montrant la sincérité de cet homme victime d’un black-out et projeté en plein doute. On est curieux de découvrir la réaction du public à l’étranger.