Rebel de Adil et Bilall, si loin si proche de Molenbeek à Raqqa

Rebel est une réalisation courageuse du duo Adil El Arbi et Bilall Fallah qui construisent une fiction sur le radicalisme autour d’événements qui se sont produits entre 2013-2016 au moment de la guerre en Syrie. Forts de leur cinéma de genre ( Black, Gangsta, Bad boys for life) les cinéastes mènent cette fois l’aventure de Molenbeek à Raqqa. Dans une tragédie multigenre entre action et comédie musicale ils distillent un discours pédagogique autour de la religion, mais aussi politique, parfois brouillé par les nombreux effets visuels inhérents au film d’action. Passer un message, voilà bien l’utilité de ce long métrage. La Première de Rebel a eu lieu lors du festival de Cannes 2022.

Après une séquence d’introduction choc, le générique « Rebel » se floute. La signification du terme se brouille. Caïd du quartier, Kamal décide de se rendre en Syrie pour apporter son aide aux victimes de la guerre. A son arrivée il est forcé de rejoindre un groupe armé et se trouve bloqué à Raqqa. Nassim, son jeune frère de 12 ans qui rêve de le rejoindre est une proie facile pour les recruteurs du Djihad. Leïla leur mère, tente de protéger son jeune fils avec ses propres armes.

Aboubakr Bensaihi (Black) interprète ce jeune homme, Kamal, à l’avenir plus grand que lui, contraint par ses choix de prendre des responsabilités. Lubna Azabal (Le bleu du caftan) est édifiante en mère courage, elle dont la voix rocailleuse traduit les coups de la vie que prend cette femme contrainte à un destin difficile. Bouille d’ange, visage rond, Amir El Arbi, (le plus jeune frère d’Adil El Arbi) campe le jeune Nassim et son quotidien scolaire. Dans ce récit poignant, le recours à des passages chantés et dansés permet d’alléger le rythme effréné de ce thriller et tirent le film vers le haut, vers un peu de joliesse et de paix. D’ailleurs les interstices chantés par une femme en langue arabe tels des proverbes annonciateurs sont superbes.

Toute la difficulté du film est le traitement d’un sujet aussi délicat que le départ des jeunes vers la Syrie, la radicalisation, les conséquences sur la famille et ce que cela implique par un film d’action dans le style des cinéastes. Ils déconstruisent la propagande de l’état islamique en dévoilant la mise en scène de la première séquence choc du film, à laquelle on reviendra plusieurs fois. Hors champ on découvre plusieurs caméras, un travelling qu’utilise le groupe comme sur un vrai plateau TV en plein désert. Une construction du récit qui fait face à celle décriée par les jeunes hurlant à l’injustice occidentale: celle des JT. Un partout. Dans les reportages la mise en scène existe des deux côtés.

On est un peu plus mal à l’aise face à l’esthétisme des troupes de l’état islamique et la manière de les mettre en scène. Une série de gros plans esthétisants sur des armes que l’on enclenche et l’on se retrouve en plein film d’action. C’est là le hic. Le point de vue parait flottant, le discours peu clair. S’emparer d’un tel sujet est très délicat surtout dans un film d’action. Peut-être aurait-il fallu dégrossir un peu le récit pour placer les idées de manière plus nette afin d’offrir au spectateur un discours clair qui n’oscille pas dans le temps entre les différents points de vue.

Rebel offre la sensation d’un film qui derrière le thriller et l’action se veut pédagogique. Transmettre à ceux qui restent, proie de recruteurs sans vergogne que leur vie est plus belle avec de meilleures valeurs. Un geste de cinéma à saluer de la part des auteurs.