The Fabelmans de Steven Spielberg, l’itinéraire d’un cinéaste touché par la grâce

The Fabelmans est l’oeuvre la plus personnelle de Steven Spielberg, une comédie dramatique profondément humaine. Que l’on apprécie ou pas le cinéma un tantinet classique du maestro hollywoodien, on se laissera porter par ce fascinant récit autobiographique. Car l’histoire de ce jeune garçon qui se passionne pour le cinéma s’inspire de la vie du cinéaste. En transposant son parcours à l’écran, c’est aussi l’histoire du septième art que le cinéaste nous raconte. Steven Spielberg, 76 ans aujourd’hui, dévoile un pan de l’histoire du cinéma puisqu’il est l’un, voire le pilier de cette industrie outre-atlantique. C’est très beau, très réussi et ravira un très large public. Les Golden Globes ne s’y sont pas trompés en lui offrant le prix du meilleur film dramatique et celui du meilleur réalisateur.

1952, Sammy Fabelmans découvre le cinéma avec ses parents. C’est le choc. Le petit garçon s’évertue alors à récréer des scènes qu’il a vues et sa passion dépassera les années. Il est soutenu et encouragé par une famille aimante qui se prête au jeu de ses mises en scènes, notamment ses trois soeurs qui lui servent d’actrices pour ses premiers films. Sa mère Mitzi, Michelle Williams, femme enfant sensible à l’art, musicienne, encourage son fils dans sa passion, « Les films sont des rêves que tu n’oublieras jamais » lui dira-t-elle. Pour son père Burt, Paul Dano, informaticien fou de technique, l’activité de son fils n’est rien d’autre qu’un passe-temps. Le casting est remarquable et les ressemblances entre le père et le fils sont troublantes. Avec ses yeux si expressifs, Gabriel Labelle interprète Sammy à partir de l’adolescence. Le regard qu’il porte sur les choses est savamment mis en scène. Bennie Loewy, Seth Rogen, ami de la famille, est quant à lui « l’oncle de coeur » des enfants.

Spielberg se livre comme il ne l’avait jamais fait. Il signe un vibrant hommage à sa famille dans les moments de joie mais aussi à travers le drame qu’il a vécu enfant. Devenu pilier familial il a porté des responsabilités qui n’étaient pas les siennes en découvrant que le couple de ses parents n’était pas aussi solide qu’il paraissait. Le scénario montre cette découverte d’une façon extrêmement cinématographique et dramatique. Le constat d’une famille déchirée.

Enfant, Spielberg était influencé par les films américains de l’époque (notamment les westerns de John Ford) et le film dévoile peu à peu d’où vient la fameuse patte du cinéaste, celle d’un enfant fasciné par ces classiques du cinéma. Un garçon qui peu à peu va découvrir les techniques cinématographiques cherchant sans relâche à recréer l’illusion. On découvre son épatante débrouillardise pour réaliser des films avec des effets inédits qu’il invente lui-même, le tout commençant par un accident de train au cinéma. Le choc de sa vie, rappelant curieusement L’arrivée d’un train en gare de la Ciotat des frères Lumière, qui a fait fuir le public en 1896 pensant que le train allait vraisemblablement l’écraser. Spielberg nous conte comment Sammy réalise ses premiers films et notamment rend réaliste dans l’un de ses premiers court-métrages une fusillade entre un sherif et des voleurs en plein désert de l’Arizona. Il explique a son père, idée ô combien lumineuse, avoir troué la pellicule avec une aiguille. Il a ainsi provoqué des flashs blancs donnant l’impression à l’écran de véritables tirs de coups de feu. L’illusion est née.

Spielberg réalise une oeuvre pleine de bienveillance, empreinte de nostalgie dans ce retour sur une vie, dans ce portrait de famille bouleversant autant dans le bonheur dépeint que dans le déchirement du drame. Le film réussit son pari, l’émotion palpable inonde l’écran de cet émouvant autoportrait. L’histoire intime et personnelle d’un petit garçon s’ouvre soudain sur tout un pan du septième art hollywoodien, un hommage qui nous est dévoilé, avant de découvrir les Dents de la mer, La liste de Schindler, Munich, Pentagon papers….