Le Règne animal, une fable écologique et humaniste percutante de Thomas Cailley

Thomas Cailley aime aller au front. Après Les Combattants (2014) il revient au cinéma avec Le Règne Animal un récit fantastique palpitant qui joue sur les angoisses du spectateur tant il frôle toujours le réel. Sa puissance provient de son réalisme narratif. De l’épidémie incontrôlée aux maladies inconnues, tout y est, porté par un brillant casting. Le film ouvrait la sélection Un Certain Regard au 76ème Festival de Cannes.

Dans un monde en proie aux épidémies, François fait tout pour sauver sa femme Lana, atteinte par une mystérieuse maladie. Il emmène son fils de seize ans Emile dans une quête qui bouleversera à jamais leur existence. La première séquence présente père et fils qui patientent malgré eux en voiture dans un embouteillage. Le père explique à son fils qu’il faut « désobéir au système ». Situation banale qui pourrait avoir lieu aujourd’hui, puis on découvre que le monde a changé. Certains humains subissent d’étranges mutations.

Le duo père-fils est hyper attachant. Le désarmant Emile, Paul Kircher, traîne sa nonchalance adolescente. Il suit son père tant bien que mal, sans voir les efforts de celui-ci. François, Romain Duris, responsable, courageux et fier reste toujours souriant malgré le drame. Ecolo, il est le roi de la débrouille, inépuisable de citations, notamment celle de René Char qui résonnera avec l’histoire, « Ce qui vient au monde pour ne rien troubler ne mérite ni égards ni patience». La sérieuse adjudant gendarme Julia, Adèle Exarchopoulos, aux valeurs de la République bien ancrées, veille sur la région.

Le film se révèle subtil, riche d’un scénario co-écrit avec Pauline Munier qui pointe jusque dans les moindres détails (on ne verra pas la mère mais une subtile partie de son corps). L’utilisation du hors champ et de la bande son est judicieuse. La mise en scène est assez classique mais maquillages, costumes et décors rendent le récit majestueux. Le rapport de l’homme à la nature prend ici tout son sens. Les personnages s’y enfoncent peu à peu puisque le logement que trouve le père est un bungalow dans un camping dans la verdure. On est dans le surréalisme du retour à la forêt qui devient presque une jungle où les monstres sont ostracisés. Thomas Cailley touche par métaphores au racisme, à la peur de l’étranger. Parmi les messages que véhicule en filigranes cette fiction apparaissent une alerte écologique sourde, le bien-être animal et la bêtification de l’homme. Le Règne animal est un plaidoyer pour l’intelligence, la tolérance et la différence. Les personnages sont des héros qui dépassent le conflit, la peur de l’autre.

Ce drame convoque également énormément de références. On pense à Taxandria de Raoul Servais dès la première scène avec cet humain oiseau et le personnage de Fix, La Mouche de Cronenberg, Truisme le roman de Marie Darrieussecq… Même si c’est en série que l’on retrouve plus ce genre de récit (Carnival Row), avec une image et un son affutés, Thomas Cailley embarque le spectateur dans cette fable sur grand écran pas si lointaine que ça de notre société.