L’été dernier de Catherine Breillat, l’interdit au féminin

Après des années d’absence au cinéma, Catherine Breillat présentait son dernier long métrage en Compétition Officielle au 76e Festival de Cannes. L’été Dernier, un drame familial au doux parfum de scandale prend place dans des salons feutrés de la bourgeoisie française. Celle qui s’entendait dire dans sa jeunesse par le Directeur de la FEMIS que « réalisatrice n’était pas un métier de femme » signe un film féministe clivant, remake du film danois Dronningen (Queen of Hearts) réalisé par May El-Toukhy en 2019.

Brillante avocate, Anne vit dans une immense villa sur les hauteurs de Paris avec son mari Pierre et leurs deux petites filles. L’équilibre familial va être perturbé par l’arrivée de Théo, fils d’un précédent mariage de Pierre. A dix-sept ans le jeune homme contestataire est en pleine rébellion. En conflit total avec le monde, son père et les adultes en général, son arrivée dans la maison va constituer un cataclysme, sauf avec ses deux demi-sœurs, irrésistibles jumelles. La relation entre l’avocate et l’adolescent va prendre une tournure beaucoup trop intime et engendrer un raz de marée dans la vie de la femme mûre. D’autant que goûter à l’adolescence lui semble plus joyeux que d’écouter un mari, Olivier Rabourdin, empêtré dans ses histoires quotidiennes de travail.

Catherine Breillat travaille à la déconstruction d’un équilibre familial bourgeois avec ce personnage d’avocate pénaliste, elle-même prise au jeu de la vérité. La progression psychologique scénaristique est très intéressante et le drame propret tournera vite au thriller psychologique. Si rien ne dépasse de la mise en scène de facture classique comme dans le décor de cette maison de maître où le temps ne semble pas s’écouler, le film est servi par un beau casting. En femme mûre qui parle cash, Léa Drucker investit son personnage à la perfection. Indépendante, une réussite sociale assumée, Anne va se laisser tenter par l’interdit qu’elle connait bien en tant qu’avocate spécialisée dans l’aide à la jeunesse. Elle sait pertinemment qu’elle joue avec le feu. En mauvaise posture elle verra vaciller son existence installée. Face à la comédienne, Samuel Kircher, jeune au regard malicieux entame une carrière qu’on lui souhaite prometteuse. Un léger malaise se créera chez le spectateur face au constat de cette femme en crise qui s’ennuie soudain avec des adultes, entraînée dans le tumulte et le souffle ravageur de l’adolescence avec un jeune homme de dix-sept ans.

La cinéaste insère un double discours dérangeant dans le film qui se révèle clivant. A la fois la cinéaste réalise un geste de cinéma en s’attaquant à un vrai sujet sociétal. Dans son discours elle casse l’image, libère la femme et en dresse un portrait féministe sans concession sur le grand écran. Catherine Breillat montre que la libido existe chez une femme d’âge mûr bien sous tous rapports, famille et carrière professionnelle florissantes et ce dont elle est capable : une liaison avec son beau-fils. En même temps, la relation d’un adulte avec un mineur qui plus est au sein de la cellule familiale est puni par la loi. Si l’on ne condamne pas un film sur l’inceste au masculin pourquoi le faire au féminin? Et pourquoi ne faudrait-il pas au nom de la bienséance montrer ce sujet au cinéma ? Lolita fait aujourd’hui parti de l’histoire du cinéma malgré son parfum de scandale… Lourde question d’éthique posée par cette fiction qui en fait un sujet décidément sur un fil.