Départ en vacances chahuté pour le couple José Garcia – Caroline Vigneaux qui avec sa petite famille va se retrouver coincé dans une voiture folle dont le régulateur de vitesse est bloqué à 130 km/h. C’est le pitch de A fond !, dernière comédie en date de Nicolas Benamou (Babysitting) et non des moindres. Les comédiens sont de passage à Bruxelles pour présenter leur film et répondent aimablement à nos questions. José Garcia est persuadé que Madamefaitsoncinema.be est féministe et charrie allègrement Caroline sur ce point. Caroline m’expliquera qu’elle appréciait que le personnage vu et revu de belle-mère envahissante soit remplacé par Ben, Beau-père encombrant (André Dussolier), bref, que ce rôle soit interprété par un homme, pour une fois ! D’où un petit jeu de José Garcia à la taxer de féministe, comme notre site. Sans rancune.
Stéphanie Lannoy : Comment vous êtes-vous retrouvés tous deux embarqués dans cette voiture ?
Caroline Vigneaux : En recevant le scénario, j’avais une petite appréhension à me dire que l’histoire se déroulait pendant une heure trente dans une voiture. En le lisant, je me suis rendu compte qu’il se passait quelque-chose toutes les cinq minutes, à aucun moment on ne s’ennuie. En plus, il est très bien écrit, la tension monte crescendo jusqu’à un final qu’on ne va pas dévoiler. J’ai trouvé ça vraiment merveilleux dans l’écriture et j’ai beaucoup ri en le lisant. Le film est, de plus, réalisé par Nicolas Benamou qui a fait Babysitting. J’adore cette modernité qu’il apporte à la comédie, l’envie qu’il avait de mélanger la comédie et l’action pour offrir aux spectateurs des sensations, un peu comme quand vous prenez un grand huit, vous riez, vous avez peur, vous riez… Ce côté moderne était hyper excitant. Cerise sur le gâteau, j’allais enfin pouvoir rencontrer José Garcia, travailler avec lui, donner la réplique à José Garcia, être sa femme, enceinte de lui avec déjà deux enfants et André Dussollier… Travailler avec deux des plus grands acteurs français, pour mon premier film c’était merveilleux.
S.L. : Et vous José ?
José Garcia : J’allais jouer avec Caroline Vigneaux, lui apprendre le métier ! (rires). Plus sérieusement, je souhaitais collaborer avec Nicolas. On est toujours au service d’une histoire, mais ici, c’est le genre de film que l’on peut réaliser de différentes façons. La première est la plus confortable, filmer sur des fonds verts en numérique, et là c’est l’ennui assuré, le suicide collectif. La pire et la plus classique des solutions serait une caméra à l’épaule embarquée à la place de l’un ou de l’autre avec un petit côté télévision vieille France. La force de Nicolas, c’est que techniquement parlant c’est une pointure, il a travaillé pendant huit mois pour trouver la solution la plus simple et la plus efficace par rapport à la vitesse. J’adore les sports extrêmes et ça faisait longtemps que j’attendais ça. Le cinéma européen est parfois à l’ère du pachyderme, il a beaucoup de mal à évoluer, surtout dans la comédie. Le cinéma d’auteur s’apparente énormément à la peinture, à la composition graphique. Il y a un travail sur le cadre, l’écoute, la lenteur, la distance à avoir pour capter des choses dans le regard. La comédie implique évidemment le graphisme mais surtout la rythmique. Elle est plus proche de la musique, du tempo. J’aime l’audace, le risque et je trouve que la comédie ne peut se vivre que comme ça. Nicolas a tout fait pour que l’on travaille dans cette configuration là et ce film est plus de l’ordre du cirque que du cinéma classique.
S.L. : Comment avez-vous vécu le film d’action en tant qu’acteurs, sa mise en place ?
J.G. : Nicolas nous avait dit : « On va être deux-cent sur une autoroute qu’on va louer ». Quarante pilotes de précision, deux-cent en tout, deux-cent voitures, des régleurs de cascade comme David Julienne (James Bond), qui a tout calculé, des supers techniciens, le tout à distance sur 105 Kilomètres d’autoroute. Et puis nous au milieu de tout ça, en train de répéter… Personne ne sait comment on va pouvoir y arriver parce que même David Julienne a l’habitude de tenir sur cinq, six kilomètres au maximum, mais organiser une chorégraphie en interaction totale avec tous les pilotes de précision qui ont une oreillette et qui jouent avec nous c’est très complexe. Nous ne sommes jamais en huis clos, c’est du Wagner, « La Chevauchée des Walkyries ». J’identifie toujours ça à un grand orchestre philharmonique où Karajan est Nicolas Benamou et nous sommes les solistes au milieu. On a essuyé les plâtres trois jours et puis quand les choses ont commencé à basculer dans la technicité c’était formidable.
S.L. : Quelle était pour vous la plus grande contrainte ?
J.G. : On doit jouer avec des gens qui ne nous entendent pas à l’arrière du véhicule. On a été obligé de descendre notre volume sonore par rapport au bruit ambiant. Seuls Caroline et moi nous entendions lors d’apartés quand on discutait côte à côte. André et les enfants n’entendaient pas. Quand on a ouvert les fenêtres il fallait continuer à jouer sans hurler et donc parvenir à contrôler nos visages. C’était une des contraintes.
C.V. : Le scénario est très bien écrit. Comme tout se fait en réel, les autres voitures écoutent notre texte et à un mot clé, interviennent ou passent devant, etc. C’est pour cela que José parlait d’orchestre philharmonique et c’est vrai que tout est très chorégraphié. Avant de partir sur l’autoroute, les cascadeurs etc., avaient un plan avec toutes les voitures et répétaient tout ce qui allait se passer. On s’occupait ensuite de la comédie : on était dans la voiture, à l’arrêt, on vérifiait le texte avec Nicolas. Il y avait une vraie place pour l’improvisation, José a apporté beaucoup, mais une fois que c’était calé, toutes les voitures démarraient, on accélérait et à 130 km/h à partir du mot « action », tout devait bien se passer. Si un truc ne va pas, une caméra qui ne fonctionne pas, c’est foutu. On a embarqué les caméras et tout le système qui normalement est avec nous est dans d’autres véhicules qui roulent sur les voies opposées et qui sont reliées par des réseaux. Dans ces véhicules, vous avez le réalisateur, les techniciens qui font le point, la lumière, le son et qui règlent tout à distance. Tout doit fonctionner ensemble : la technique, les cascades, la comédie, le texte.
S.L. : Cette pression du réel permet-elle d’être plus performant ?
J.G. : Oui, ça fait surtout que vous, vous le ressentez, vous restés accrochés au siège ! (rires). C.V. : C’est mon premier film, José et André m’ont souvent répété que ce n’était pas comme ça d’habitude. Ici, on n’allait pas faire soixante prises, il fallait être bon dès la première. Nicolas disait qu’en regardant les rushes, certaines prises étaient quasiment identiques, tant on les avait travaillées. C’était bien parce qu’on était vraiment hyper concentrés : il n’y a pas eu de fous rires, une fois ou deux, mais très peu par rapport à d’autres films.
J.G. : On a des fous rires après, quand on a réussi la scène.
C.V. : C’est vrai que le réel amène de la sincérité. Lors d’une prise, on a failli percuter le motard, on a vraiment cru qu’on le renversait. Les cris, la terreur que vous voyez sur nos visages c’est du vrai. La seule chose qu’il faut savoir faire, c’est réussir à avoir peur dans la peau du personnage et ne pas en sortir alors qu’on vit des trucs réels. Comme je le disais tout à l’heure, c’est comme dans un grand huit, vous savez que vous allez avoir peur, vous connaissez les sensations que vous allez avoir mais malgré tout vous les vivez. Je n’ai jamais frotté un rail sur l’autoroute à 130 Km/h, c’est la première fois ! (Rires).
Propos recueillis par Stéphanie Lannoy
A lire aussi : Entretien avec Nicolas Benamou
A fond ! La critique