Pop Aye est le premier long-métrage particulièrement réussi de la réalisatrice Singapourienne Kirsten Tan qui a remporté le World Cinema Dramatic Special Jury Award pour son scénario au Festival de Sundance.

Un architecte en pleine crise de la cinquantaine rencontre l’éléphant de son enfance à Bangkok, l’achète et décide de le ramener dans son village natal. Un road movie inattendu et farfelu à travers la Thaïlande, rempli de finesse d’esprit, de valeurs positives et d’humour.

C’est par cette vision improbable d’un duo inattendu, celui d’un éléphant et d’un homme au bord d’une route que débute ce drame. Dès le départ, une grande incompatibilité existe entre le milieu urbain, les friches industrielles traversées par ce binôme, et la survie de l’animal dans la nature. C’est vers cette nature que veut retourner Thana, le très attachant (bien que dépressif) Thanet Warakulnukroh, pour y intégrer son ami Pop Aye l’éléphant, Bong, (n’oublions pas de le citer). La cinéaste privilégie les plans d’ensemble où est présente l’architecture dépassée, presque en désagrégation, montrant d’horribles buildings. Or Thana est un architecte renommé, en instance d’être dépassé par la jeune génération et son architecture ultra design. Son premier projet le Gardenia Square, temple de la modernité à ses débuts, va en effet être détruit. Son couple bat de l’aile et sa femme, Bo, Penpak Sirikul, au foyer, se désintéresse de son mari.

Au cours de cette odyssée, Thana va rencontrer plusieurs personnages hauts en couleur. Le fruit de ces rencontres sera toujours positif, car les complications narratives seront souvent adoucies par une entraide chaleureuse entre ces protagonistes qui ne se connaissent pas. Thana et Pop Aye rencontreront ainsi un futur décédé, le jeune Dee, Chaiwat Khumdee qui vit de peu et est persuadé qu’il va mourir, puisqu’il l’a lu dans les astres. Un travesti délaissé, Jenny, Yukontorn Sukkijja l’aidera dans son aventure. La musique décalée et désuète renforce l’absurdité des situations de l’histoire et jette une pointe d’humour ironique sur le récit.

Si le film établit en filigranes un constat, celui de la volonté inébranlable de l’homme de toujours construire plus moderne sans se soucier de la vétusté des anciens bâtiments délaissés, de détruire une nature déjà en grande partie inexistante. L’éléphant se blesse en marchant sur le bitume, il n’existe plus de place dans nos villes modernes pour l’animal. Pop Aye est un film aux valeurs positives qui met en avant une solidarité humaine extrêmement bienveillante ainsi qu’une relation de l’humain avec l’animal qui prend tout son sens, comme lorsque Pop Aye arrose Thana déshydraté avec sa trompe. L’humour sort de cette écriture singulière, bien au-delà des clichés. A ne rater sous aucun prétexte.

SUNDANCE FILM FESTIVAL 2017 – World Cinema Dramatic Special Jury Award for Screenplay, Kirsten Tan – ROTTERDAM INTERNATIONAL FILM FESTIVAL 2017 – VPRO Big Screen Award – MOOOV 2017