L’Atelier est une fiction très inspirée de réel de Laurent Cantet, Palme d’Or au Festival de Cannes 2008 pour Entre les murs. Le cinéaste réalise de nouveau un portrait de groupe à travers celui de jeunes gens d’un atelier d’écriture. Il revient à ses thèmes de prédilections, la transmission, l’apprentissage de la jeunesse et les rapports humains, toujours sur un fond social. Il a une nouvelle fois co-écrit son scénario avec Robin Campillo, lui aussi très inspiré par la description de groupe, comme en témoigne son film 120 Battements par minute, Grand Prix à Cannes cette année. Laurent Cantet dirige brillamment des acteurs débutants face à la solide Marina Foïs. Seule comédienne professionnelle, elle leur donne la réplique et sa célébrité face aux jeunes reflète celle de son rôle d’écrivaine dans le film face aux stagiaires.

L’été 2016, Antoine accepte de participer à un atelier d’écriture avec des jeunes en insertion dirigé par Olivia, une écrivaine connue. Le déroulement de l’atelier fait appel à l’imagination de chacun pour écrire un roman. Le récit des jeunes va s’ancrer dans la ville de La Ciotat où ils vivent, dont l’aura va peu à peu se développer, par la parole d’abord, à l’aide d’images d’archives et par son lourd décor ensuite, témoin du passé glorieux de ses chantiers navals. Une ville où le constat de ces jeunes est sans appel quant au manque d’avenir évident de ces lieux où le travail manque cruellement. Antoine aura du mal à s’insérer dans le groupe et refusera notamment de réfléchir au passé de sa ville qui ne l’intéresse pas. Il est happé dans sa vie quotidienne par la société médiatique anxiogène et ses multiples vecteurs d’image et s’évade ainsi par des jeux vidéos violents.

Mathieu Lucci interprète superbement le jeune Antoine avec toute sa retenue et ses coups de colère, c’est une vraie découverte. Marina Foïs est Olivia, l’écrivaine célèbre qui va gérer l’atelier et qui incarne aussi la seule adulte point de repère pour les jeunes, qu’ils vont malgré tout rejeter. Son parisianisme imposera la distance des participants et validera la confrontation de deux mondes. Alors que l’on imagine l’avantage pour l’écrivaine de passer la période d’été à La Ciotat – elle va se baigner avec son éditeur – les jeunes sont englués dans la réalité de la ville, son histoire et son manque de perspective d’avenir qu’ils voudraient dépasser. Le groupe de jeunes métissé, symbolique de la France d’aujourd’hui va devoir se confronter et se souder pour faire avancer le projet, malgré les différences de chacun. Antoine va provoquer Olivia qui va tenter de maintenir le lien avec ce jeune, avec un flegme apparent, sans en faire un drame.

Le paisible Atelier d’écriture au soleil du sud va prendre peu à peu le goût du thriller au cours du récit. Le changement de genre est intéressant et inattendu. A travers cette fiction se posent les questions de la société actuelle, post attentats. Celles d’une société où des jeunes se trouvent souvent désoeuvrés, sans avenir. Leur proposer de créer, d’activer leur imaginaire est une bulle d’oxygène dans le tableau sclérosé de cette ville aux décors d’anciens chantiers navals glorieux mais désaffectés.