Petite Maman, un conte à hauteur d’enfant de Céline Sciamma

Après l’éclatant Portrait de la Jeune Fille en Feu, Céline Sciamma (Bande de filles) revient à la sobriété avec Petite Maman. Comme elle l’avait fait dans Tomboy et dans Ma vie de Courgette (de Claude Barras dont elle a co-écrit le scénario), la cinéaste s’intéresse au monde de l’enfance avec cette fois, un conte psychanalytique filmé à hauteur d’enfant. Petite Maman nous plonge dans un drame familial vu par les yeux d’une petite fille. (Entretien avec Céline Sciamma).

A huit ans, Nelly vient de perdre sa grand-mère. Elle part chez ses grands-parents vider la maison d’enfance de sa mère. La petite fille est plutôt contente de découvrir cet univers et de jouer dans les bois qui l’entoure. A la recherche de la cabane d’enfance de sa mère, Nelly va rencontrer une petite fille de son âge qui lui ressemble étrangement et avec laquelle elle nouera une relation. Attristée par le deuil, sa mère décide de s’éclipser.

Les deux petites filles, cheveux longs épais, habillées dans des tons bruns-forêt et pantalon de velours, sont joliment interprétées par des jumelles, Joséphine Sanz et Gabrielle Sanz. Nina Meurisse campe la mère endeuillée tandis que Stéphane Varupenne incarne le père-roc de ces moments difficiles.


Céline Sciamma réalise un conte fantastique et sobre qui mêle savamment deux époques différentes. La cinéaste mélange audacieusement passé et présent dans les mêmes lieux. Personnage central du récit, la maison est ainsi traversée par deux temps différents. Fidèle, stable elle est toujours là, mais, lieu de souvenir, il faut s’en séparer.

Petite Maman, l’air de rien, est un conte politique. Le thème de la complicité familiale de ce trio de femmes guide le récit. Le spectateur découvre que ces deux petites filles qui se ressemblent étrangement ont des destins liés. Si Céline Sciamma nous parle d’engagement, de relation mère-fille, de filiation, elle revient à la source et pose la question du regard posé sur la mère et son identité. Marion est d’abord envisagée dans sa fonction de mère, par sa fille (et par le spectateur), puis on la découvre femme puisqu’elle a été petite fille. La cinéaste revient à l’essentiel et montre que derrière la fonction de mère, la femme pré-existe. Si la mère se dérobe à la tristesse qu’elle ressent face à la mort de sa mère, sa propre fille cherche des réponses dans le passé en y plongeant. Ce n’est plus la fonction de mère qui est ici envisagée mais le retour à la nature de la femme, être fragile qui elle aussi, a eu une enfance. Sa tristesse n’en est que plus palpable. Les aventures de Nelly sont magnifiées par l’imaginaire que suscite cette forêt magique, sorte de portail entre des temps de vie et des êtres différents.

Entretien avec Céline Sciamma pour Petite Maman.

A lire aussi: Entretien avec la cinéaste pour Portrait de la jeune fille en feu.