Les conquérantes : la marche vers la liberté des femmes d’un village de carte postale suisse en 1971, drôle et captivant

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Avec Les conquérantes, Petra Biondina Volpe réalise une joyeuse et intéressante comédie, introduisant de la légèreté dans un récit parfois dramatique. L’histoire relate comment, en 1971, alors que Woodstock, Flower Power et libération sexuelle explosent un peu partout dans le monde occidental, un petit village suisse traditionnel, Appenzell, ambiance carte postale avec l’église bien au milieu du village, va prendre la marche vers l’égalité homme/femme. Il est vrai que la suisse ne brille pas par un droit de vote des femmes au niveau fédéral acquis tardivement en 1971. L’égalité des droits entre femmes et hommes n’a d’ailleurs été intégrée qu’en 1981 dans la Constitution fédérale.

Les Conquérantes de Petra Biondina Volpe
Nora et Hans, Marie Leuenberger et Maximilian Simonischek dans Les Conquérantes

L’attachante Nora, Marie Leuenberger, (Le cercle de Stefan Haupt) un mari et 2 enfants, coule de douces journées organisées pour et autour du foyer familial. Son mari Hans, Maximilian Simonischek, travaille à l’usine. Elle voit très souvent sa soeur Thérésa, Rachel Braunschweig, dans l’ambiance chaleureuse et désuète du chalet en bois où elles discutent en pliant les draps ensemble. Nora va peu à peu entrevoir la possibilité de s’émanciper et de devenir secrétaire. Le couple bien qu’amoureux va alors être mis à l’épreuve. Avec quelques femmes (trois au départ) elle va former un petit réseau, contre tous. On découvre en filigrane les injustices subies par des femmes soumises à une loi qui les fait dépendre des hommes pour leur malheur. La jeune nièce de Nora, Hannah, Ella Rumpf (Grave de Julia Ducournau) se retrouve en prison pour être partie en ballade avec son petit ami. Son destin est aux seules mains de son père qui se refuse à la moindre empathie pour sa fille. Vroni, Sibylle Brunner, a quant à elle perdu son café et sa maison au décès de son mari, suite aux dettes de celui-ci, parce qu’elle n’avait aucun pouvoir, aucun droits en tant que femme face aux huissiers.

Les Conquérantes de Petra Biondina Volpe
Nora, Marie Leuenberger, seule contre tous… – Les Conquérantes

La force et la drôlerie de cette comédie résident dans la confrontation et le décalage de tout l’aspect traditionnel de ce village suisse et de ses habitants et l’époque contemporaine. A la fois le monde extérieur et ce village, mais aussi dans des choses du quotidien. L’héroïne Nora est ainsi affublée d’un fichu et de bas marrons… Elle va se métamorphoser au contact de sa nouvelle amie gérante de la pizzeria, une italienne indépendante qui fume des cigarettes en se proclamant divorcée.

La vision des relations hommes-femmes dans leur complexité et la prise en compte de chacun des deux mondes et de ses intérêts, participe également à la réussite du récit. Les femmes se battent pour leur libération mais au final vont devoir pactiser avec les hommes de gré ou de force pour avancer. C’est de cela qu’il s’agit ici et comment Nora et son mari vont pouvoir traverser tous ces changements demandés au sein de leur famille par l’évolution de la société. Comment des femmes asservies vont-elles avoir l’idée de se rebeller en demandant le droit de votre par exemple, de briser le quotidien des habitudes ? Comment des hommes habitués à ce que leur femme soit à la maison vont-ils évoluer de : « Pas de raviolis en boite pour mes fils », à l’acceptation de participer un minimum à la vie et aux activités du foyer, comme trier le linge ?

Les Conquérantes de Petra Biondina Volpe
Nora et Hans, Marie Leuenberger et Maximilian Simonischek dans Les Conquérantes

Petra Biondina Volpe réussit une comédie positive en montrant que le combat pour que les femmes gagnent leurs droits inclut une évolution des hommes et des femmes dans un effort commun. Ce couple amoureux va devoir jauger la liberté de chacun, ici de Nora, par rapport à ses aspirations de vie. Hans va devoir surmonter des railleries telles que se faire traiter de mauviette par ses collègues à partir du moment où il assume des tâches ménagères. Les heurts sont parfois trashs et la lutte difficile, mais changer la société est l’effort de tous et de chacun. En Suisse, les derniers cantons où les femmes ne disposaient pas encore du droit de vote l’ont introduit en 1990