Noa Kooler interprète Michal, la charismatique héroïne de la comédie The Wedding Plan de Rama Burshstein, présentée à la dernière Mostra de Venise. Elle parvient par la folie de son personnage à nous faire aimer une jeune femme moderne et orthodoxe, dont la quête est universelle. On irait volontiers boire un verre avec cette héroïne ultra sympathique. Rencontrer l’actrice qui interprète cette tornade en quête d’espoir apporte forcément son lot de plaisir. C’est un peu comme rencontrer une sorte de Bridget Jones à jeun. Et ça tombe bien, elle est de passage à Bruxelles à l’occasion du Festival International du Film de Bruxelles mais elle n’est pas seule, contrairement à Michal sa moitié l’accompagne !
Stéphanie Lannoy : Comment avez-vous embarqué sur ce projet ?
Noa Kooler : Je suis actrice depuis 11 ans, date de fin de mon école d’art dramatique et la directrice de casting – qui s’appelle aussi Michal – a entendu parler de moi. J’ai reçu via mon agent en Israël une scène du film. Je l’ai lue et même s’il ne s’agissait pas du scénario entier, j’en suis tombée amoureuse. J’espérais vraiment obtenir ce rôle et c’était chose faite après 3 auditions.
Quelle a été votre réaction à la lecture du scénario ? C’est étrange parfois quand on lit le rôle d’une femme religieuse, on l’imagine souvent fragile, sombre, qui prie la nuit, sur un mode très mélodramatique. Je me suis dit que cette fille-là était vraiment très drôle et je suis tombée immédiatement amoureuse du personnage. Je me suis ensuite demandée si l’histoire n’était pas un peu guimauve, irréelle ou pas assez féministe. J’ai ensuite rencontré Rama et après coup, une fois le film tourné et que tout a été terminé je me suis dit : « Oh mon dieu, cela peut arriver, c’est réaliste », et je crois en cette magie.
Rama Burshstein vous a expliqué son film… Elle m’en a fait comprendre la signification profonde. Pour me préparer au rôle on avait des rendez-vous. Elle m’a ainsi emmenée à une « soirée de la fiancée », une sorte d’enterrement de vie de jeune fille mais religieux. Je n’avais jamais été à un tel événement. Rama m’y a conviée pour voir des femmes religieuses attendant d’être mariées. L’une d’elle a trouvé l’homme qui lui correspondait. C’était comme une immense cérémonie, une énorme fête pour celle qui a trouvé l’homme de sa vie. Ils mangeaient et priaient. J’ai grandi dans une maison laïque et cette façon dont les femmes pouvaient dire : « je veux me marier, c’est ce que je veux » était très étrange pour moi. Elles parlent de mariage, alors que mes amies parleraient de « trouver l’amour ». Celles-ci diraient « Je veux trouver un petit ami, une relation, homme ou femme » et les religieuses disent « je veux être mariée, je veux la cérémonie ». C’est là que résident les différences.
Qu’est-ce qui vous plait dans le personnage de Michal ? Elle parle beaucoup et j’aime parler ! (rires). J’apprécie le fait qu’elle fasse tout ce qu’elle veut. Elle est forte mais j’aime aussi qu’elle perde la foi. Elle est effrayée mais elle ne s’arrête jamais, même quand tout s’écroule elle va de l’avant.
Comment avez-vous préparé le rôle ? J’ai eu toutes les réponses à mes questions de la part de Rama qui est une femme très particulière. Elle est née dans une maison laïque à New York, a grandi en Israël et est devenue orthodoxe a 27 ans. Cela n’est pas si jeune. Elle possède un peu deux personnalités en elle : la femme laïque un peu débridée qu’elle était, et la religieuse qu’elle est devenue. Rama est comme un livre ouvert. Je peux lui demander vraiment tout ce que je veux sur la vie religieuse. Nous avons eu de très longues conversations sur la foi, l’enfance, l’amour, le fait d’être célibataire, ou mère. Elle m’a montré le chemin pour arriver à saisir le rôle de Michal. Les choses que j’ai trouvées les plus intéressantes dans les différences entre Michal et moi, c’est qu’elle regarde la vie à travers le prisme de dieu. Dieu est partout pour Michal. Dans ma vie ce n’est pas si fort. Alors que pour elle tout est un signe. Dieu lui parle. C’est une histoire d’amour entre Michal et dieu.
Michal répète inlassablement : « Le monde a été créé pour moi »… C’est une phrase incroyable, « le monde a été créé pour moi ! » (rires). Elle le dit parce qu’elle doit absolument croire. Elle ne peut pas se permettre de désespérer, elle cherche l’espoir. Donc elle garde en tête cette phrase « le monde a été créé pour moi ». C’est impoli de le dire, mais je vais le dire.
Vous êtes-vous inspirée d’héroïnes, comme Hannah jouée par Lena Dunham dans la série Girls? Elle est incroyable ! Rama la réalisatrice l’admire aussi beaucoup. Nous en avons parlé, j’ai regardé Girls. Lena Dunham est aussi l’une de mes icones, comme Emma Thompson.
Le film fait penser à ce type d’héroïnes modernes que sont Hannah, Bridget Jones… Mais sans religion bien sûr, sans alcool, ni sexe… C’est bien ! (rires). Sans toucher, dans le film nous ne nous touchons pas. Et oui, Michal est une sorte de Bridget Jones religieuse, une pieuse Hannah !(rires).
Qu’avez-vous en commun avec Michal ? On se ressemble. On pense la même chose des hommes toutes les deux, mais elle est beaucoup plus forte que moi. Elle peut faire des choses dont je suis incapable. L’amour est la chose la plus importante pour elle et moi. On essaie toutes les deux de croire très fort que de belles choses arrivent dans le monde, pas seulement de mauvaises.
Vous n’avez pas de zoo mobile comme elle ? Si je réfléchis j’ai une poule, un chat dans mon jardin et deux enfants, c’est presque comme Michal ! (rires).
Est-ce un problème à 32 ans, d’être une femme célibataire en Israël ? Je ne pense pas que cela soit un problème, cela dépend de ce que vous voulez, si vous souhaitez être célibataire ou vous marier. La plupart des gens veulent être en couple. Nous cherchons un partenaire pour la vie que cela soit un homme ou une femme, cela n’a pas d’importance. C’est la nature humaine.
C’est une comédie mais le sujet est réaliste… Bien sûr parce que pour les gens religieux, les femmes, si vous voulez trouver un homme, être aimée et avoir des enfants vous devez vous marier et en passer par la cérémonie. Ce n’est pas comme les rendez-vous dont l’on ne sait pas ce qu’il va en advenir le lendemain. Ici, si vous avez un rendez-vous c’est à propos du mariage. Vous rencontrez un homme, vous vous asseyez auprès de lui et vous pensez : peut-être que je serai toute ma vie avec cet homme là. Pour les religieux ce sont les règles.
Comment a réagi le public en Israël ? Le film a eu beaucoup de succès. Les gens me disent qu’il amène beaucoup d’espoir et que c’est un film lumineux et profond.
Pouvez-vous expliquer cette séquence où Michal prend le bus pour aller dans le village ? Elle va à Ouman, une petite ville d’Ukraine où git la tombe d’un très célèbre rabbin Nahman de Breslev. Il est comme le guide. Et là, sur la tombe elle est face à elle-même. Nous sommes allées à Ouman. C’était étonnant pour moi de voir ça, ces femmes debout… Même si elles ne pleurent pas elles se forcent, c’est un processus. Parce qu’elles ont besoin de réponses. J’ai vu des femmes taper dans leurs mains pour faire venir leurs émotions. Michal va sur la tombe et elle doit tout raconter, sans mensonges. Elle se dit : « Ne mens pas car tu es devant dieu. Je suis une menteuse je ne crois en rien. Je raconte à tout le monde que je vais me marier à cette date mais je n’y crois pas. Et vous le savez car vous êtes dieu. S’il vous plait aidez-moi, aidez-moi à croire à nouveau ! ».
Avez-vous des projets ? J’ai deux nouveaux projets en Israël. Une nouvelle série très dramatique et une nouvelle comédie pleine de folie.
Propos recueillis par Stéphanie Lannoy, Bruxelles, novembre 2017
Carte Blanche à Noa Kooler :