Vers la lumière (Radiance) de Naomi Kawase, ce moment où le son rejoint l’image

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La cinéaste japonaise Naomi Kawase (Les Délices de Tokyo) réalise cette fois-ci une fiction qui porte au-delà de son récit une valeur philosophique, avec en filigrane une réflexion sur l’image et le son. Vers la Lumière était en Compétition Officielle au dernier Festival de Cannes.

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Ayame Misaki, Radiance

La jeune Misako Ozaki est audiodescriptrice de films. Passionnée par son métier, elle s’acharne à décrire le plus précisément possible un long-métrage afin que les malvoyants puissent l’apprécier. Lors d’une séance-test elle va rencontrer Nakamori, Masatoshi Nagase (Paterson de Jim Jarmush), célèbre photographe qui perd peu à peu la vue. Les deux protagonistes entreront dans une relation complexe entre reproche et attirance autour du son et de l’image. Misako, jouée très subtilement par Ayame Misaki se concentre sur l’univers sonore qui l’entoure. Lors d’une visite chez sa mère qui vit en forêt, elle s’exclamera : « il y a tellement de sons différents ici ». Un monde auditif que nous, voyants, ne percevons même plus.

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Ayame Misaki et Masatoshi Nagase, Radiance

Le film pose la question de la représentation et son interprétation, nous propulsant dans le mythe de la Caverne de Platon. La cinéaste pose d’abord la question du montage, car pour nous spectateurs voyants, l’audio description suppose un commentaire redondant par rapport à l’image. Le processus de travail se déroule en plusieurs étapes. Des consultants malvoyants viennent lors de séances regarder le film et donner leur ressenti sur cette voix qui accompagne la narration. Et comme nous, les conseillers subissent – et notamment Nakamori – le trop plein d’informations qui ne laisse aucune place à l’imagination. Il faudrait trouver les mots justes, sans que le commentaire ne soit trop verbeux, ni trop intrusif. Bien que volontaire et minutieuse, Misako verra son travail durement critiqué. Et notamment sa capacité à retranscrire l’image et le récit mais surtout la retranscription des émotions qui se dégagent de l’œuvre, comme si elle perdait l’âme du film en chemin en l’interprétant mal.

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Ayame Misaki et Masatoshi Nagase, Radiance

Radiance est très esthétisant. Attentive aux détails, Naomi Kawasé use d’une mise en scène sensible, elle s’attache ainsi aux gros plans, aux sons. L’image signée Arata Dodo et la lumière Yasushiro Ôta sont superbes, accompagnées d’une musique à la hauteur, d’Ibrahim Maalouf. Malgré toute la sensibilité accordée à la réalisation, ce film relève plus de la réflexion cérébrale (certes très intéressante) que de l’émotion et l’on a du mal à ressentir l’émoi que voudrait porter cette œuvre sur ce « vaste monde limité par le carcan des mots ».