A Ciambra de Jonas Carpignano, un film bouleversant, réaliste et urgent, Coup de coeur !

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Mediterranea, le long métrage précédent de Jonas Carpignano, premier opus d’une trilogie, se déroulait déjà dans le sud de l’Italie, à Gioia Tauro. A Ciambra est le second volet, dans lequel le cinéaste met en scène de nouveau le jeunePio Amato, cette fois dans son lieu de vie, à la Ciambra, une véritable communauté insulaire de roms. Soutenu par Martin Scorcese, remarqué à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, de ce drame émanent une vitalité, une urgence par la mise en scène, la complexité et la vérité de ses personnages – la famille Amato existe bel et bien – qui font de ce film un ovni extrêmement réussi.

A_Ciambra_8

A Ciambra débute par une vision extrêmement poétique de Pio qui imagine son grand-père à cheval dans les montagnes. Cette séquence onirique plante le décor passé d’un peuple jadis nomade, celui de l’âme gitane et de sa culture, avant de nous plonger dans les tristes baraquements où survivent la famille Amato et où les enfants brûlent du cuivre volé pour subsister.

La caméra nerveuse, mouvante, épouse les personnages et l’urgence de leur situation. Elle suit Pio, 14 ans, qui boit, fume et apprend les arnaques de la rue. On pense à Rosetta suivie par cette caméra nerveuse collée à elle en action, parce que Pio non plus n’a pas le choix. On retrouve la même urgence dans ce film. Pio veut grandir et faire comme les grands. Son frère ainé, Cosimo, Damiano Amato, contraint de s’absenter ne peut plus subvenir aux besoins de la famille. Le jeune Pio va devoir le remplacer. Mais la vie chez les gitans est impitoyable et Pio va bien vite être confronté à des choix impossibles.

Iolanda et Pio Amato_A_Ciambra

L’image est parfois presque abstraite et la bande son très présente nous plonge dans cette urgence du récit, dans ce monde où les enfants n’existent pas. Où le racisme entre communautés est crûment dépeint, notamment celui des roms envers les noirs. Le cinéaste dépeint ainsi les différentes communautés « ennemies », que sont celles des roms et celles des immigrés africains arrivés depuis peu en Italie du Sud. Seul Pio parvient à intégrer ces deux ensembles. Il nouera ainsi une relation avec Ayiva Koudous Seihon, immigré africain, sorte de grand-frère de substitution qui le prendra sous son aile, même si les mots de son grand-père résonnent : « Souviens toi, c’est nous contre le monde entier ».

La famille Amato_A_Ciambra

Le cinéaste maîtrise d’une main de maître cette fiction empreinte de tant de réalisme. Il travaille également avec des comédiens non professionnels dont la situation dramatique se reflète dans le récit, comme la famille Amato ou Koudous Seihon, qui pour le coup est vraiment arrivé du Burkina par la méditerranée. On attend avec impatience le troisième volet du triptyque, A Chiara, actuellement en développement.