Romain Duris combat sur tous les fronts dans « Nos Batailles » de Guillaume Senez

Après Keeper, qui avait raflé trois Magritte en 2016 et pour son second long métrage, Guillaume Senez se lance dans un drame ancré dans la société contemporaine avec des acteurs éblouissants. « Nos Batailles », co-écrit avec Raphaëlle Desplechin porte un titre qui sied parfaitement à son histoire. Le film est présenté à la Semaine de La Critique du Festival de Cannes en Séance Spéciale.

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Olivier, Romain Duris est chef d’équipe dans une usine. Engagé, il défend les injustices et ses collègues, avec qui, « ils forment une équipe et avancent en groupe ». Dévoué à son travail, Olivier part tôt et revient tard chez lui. Père de famille, il a deux jeunes enfants, Rose et Elliot.  Laura, sa femme, Lucie Debay, disparait un jour sans prévenir. Ce sera l’incompréhension et la remise en question, pour cet homme confronté à une difficile gestion du quotidien entre son activité professionnelle, l’éducation des enfants et la vie de famille.

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Guillaume Senez réussit un vrai pari qui est d’inscrire dans ce récit toutes les dimensions de la vie auxquelles son personnage principal et à travers lui tous les autres (sa femme, sa soeur, sa collègue), doivent se confronter : Le monde du travail aussi difficile soit-il et la vie familiale et intime. Ici c’est le choc frontal pour Olivier entre son travail et sa vie de famille, il n’a rien vu venir.

Le rôle de cet homme aux prises avec un travail abrutissant et une vie de famille oubliée est un vrai grand rôle pour Romain Duris qui l’incarne incroyablement bien. Sa soeur, Betty, qui viendra à la rescousse, est interprétée par l’éblouissante Laeticia Dosch, rôle principal de Jeune femme de Léonor Serraille (Caméra d’or 2017) et qui jouait déjà le rôle de la mère de Mélanie dans Keeper. Les deux comédiens jouent une très belle et émouvante relation frère-soeur avec une scène d’anthologie où ils s’enlacent en se balançant au rythme du Paradis Blanc de Michel Berger. Les enfants sont très expressifs et il y a fort à parier que l’on reverra les jeunes Lena Girard Voss, Rose et Basile Grunberger, Elliot.

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Guillaume Senez décrit une « entreprise à broyer l’humain ». Lorsqu’Olivier réclame des vêtements chauds pour son équipe, Agathe, la responsable des ressources humaines, lui lance que « ceux à qui cela ne plait pas peuvent aller voir ailleurs, et que dehors aussi, il fait froid ». Les manutentionnaires seront affublés de chapeaux de noël d’un ridicule achevé « pour contrer le froid ».  Syndicaliste et amie d’Olivier, Claire, Laure Calamy, en rira se qualifiant, en incluant ses collègues de « lutins en action ». Vision parfaitement illustrée par la suite dans ces plans d’ensemble en plongée de l’usine, accentuant la géométrie des lieux, avec ce personnel chronométré, affublé d’un bonnet de père noël qui envoie les cadeaux de noël le plus vite possible au client qui, on l’imagine a commandé sur internet. On voit ici une forte critique de l’entreprise d’aujourd’hui et la dérive des conditions de travail. Lorsque l’on proposera à Olivier un poste aux ressources humaines il répondra qu’il ne « sait pas virer les gens » au remplaçant d’une Agathe déjà licenciée.

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Cette fiction illustre la rudesse de la société actuelle où l’humain ne compte plus, et où les protagonistes eux-mêmes ne parviennent plus à gérer leur vie dans tous les aspects qu’elle suppose. L’histoire d’Olivier est bouleversante. Ses enfants eux aussi subissent de plein fouet l’absence inexpliquée de leur mère et un père dépassé qui leur fait avaler des céréales à chaque repas et les laissent se débrouiller seuls.

A travers ces destins individuels c’est le collectif qui est visé dans cette fiction. Chaque spectateur sera touché au cœur, qu’il soit ouvrier à travers le personnage d’Olivier, ou même comédien ou artiste comme sa soeur Betty.

Entretien avec Guillaume Senez
Entretien avec Lucie Debay