
Dans Illusions Perdues, Xavier Giannoli (Marguerite, Quand j’étais Chanteur, A L’Origine) adapte au grand écran le roman d’Honoré de Balzac sur un scénario de Jacques Fieschi. La fresque est somptueuse, réussie, grandiose. Issue de la Comédie Humaine de l’écrivain, Illusions perdues est par essence un drame empreint de réalité, puisque c’est sa propre expérience dans l’imprimerie qui a inspiré son récit à l’auteur. Le film concourait dans la prestigieuse Sélection Officielle de la Mostra de Venise.
Jeune poète inconnu, Lucien vit en province dans la France du XIXème siècle. Il débarque à Paris au bras de sa protectrice. Lâché dans la capitale, l’ambitieux jeune homme qui croit en son destin va découvrir la gloire, mais aussi les jeux et faux semblants de la comédie humaine, la vraie.

Les comédiens sont brillants et Giannoli s’offre un casting de choix. Benjamin Voisin (Eté 85) interprète cet anti-héros avec passion, s’appropriant l’écran. On sent que les acteurs s’en donnent à coeur joie, entre Vincent Lacoste incisif, railleur et Xavier Dolan (Nathan, c’est à dire Balzac) sérieux et piquant. Cécile de France, Jeanne Balibar imposent leur charisme au féminin comme Salomé Dewaels, qui incarne joliment Coralie, une « simple comédienne » dont s’éprendra le jeune Lucien dans un monde où ce métier n’est pas respectable. On savoure les dialogues de ces protagonistes à la duplicité faussement cachée. La reconstitution de ce récit d’époque est passionnante. La mise en scène s’oublie tant elle sert le récit. Sans compter la beauté de l’image signée Christophe Beaucarne.

Ce film choral établit une féroce critique du traitement économique de l’art par les journalistes. Tout s’achète et se vend car la critique fait et défait le succès d’une pièce, d’un roman, d’un acteur ou d’un spectacle. Les critiques bonnes ou mauvaises sont achetées, le but étant de faire monter les enchères et créer la polémique pour faire parler d’une oeuvre, les journaux libéraux s’opposant aux royalistes. Ce sont aussi les débuts de la publicité. Dans le bureau du journal libéral règne un singe et le champagne coule à flots. Son rédacteur au verbe haut, souvent hilare, va prendre le jeune Lucien sous son aile car « lui aussi a débarqué de sa province ». Dans ce monde, on va jusqu’à payer la claque au théâtre (les applaudissements) ou le sifflement, toujours au plus offrant. Les critiques sont ici des courtiers entre les artistes et le public.
Xavier Giannoli s’empare d’un récit moderne où le parisianisme est bien en place. Aujourd’hui pour réussir une carrière artistique il faut encore « monter à Paris ». Ce monde-là, ou la comédie reprend à l’entracte, est superbement mis en scène et profondément incarné. Une expérience riche et aventureuse pour le protagoniste principal qui va mettre en danger tout son être.