
Dans son Monde, Laura Wandel nous plonge dans un récit d’une puissance rare. En plaçant sa caméra à hauteur d’enfant et en ne dérogeant pas à cette règle, la cinéaste nous fait vivre le quotidien d’une cour d’école: une jungle où la survie est reine. Pour son premier long métrage la cinéaste traite du harcèlement scolaire et manie le langage cinématographique d’une caméra de maître. On est touché par la justesse de ce drame. Présenté en sélection Un Certain regard au dernier festival de Cannes Un Monde y a remporté le prix FIPRESCI (prix de la Critique). Il concourt actuellement en Compétition Officielle au Film Fest Gent (du 12 au 23 octobre).
C’est la rentrée à l’école primaire. Nora arrive à l’école apeurée, collée à son frère plus âgé, Abel. Un peu sauvage, la petite fille va évoluer et apprendre à se sociabiliser. Elle découvre que son frère est victime de harcèlement. Nora respecte le secret puis craque et raconte tout à son père. Mais elle trahit alors son frère. La petite fille se retrouve au coeur d’un conflit de loyauté tout en assistant à une violence quotidienne envers son aîné dans la cour d’école.
Le point de vue, essentiel au récit lui donne une grande force. La mise en scène parfaitement maitrisée est totalement justifiée. Elle suit le point de vue de Nora, à sa hauteur. C’est par les grands yeux bleus innocents de cette petite soeur que la violence de son frère harcelé passe. Les adultes se soumettent physiquement au cadrage choisi par la cinéaste. Ainsi le père de Nora, Karim Leklou, se baisse et entre dans le cadre pour lui parler. Comme la douce maitresse, Madame Agnès, Laura Verlinden, lorsqu’elle entre dans le cadre, c’est aussi au niveau de Nora. La caméra reste figée sur et avec la petite fille. Il n’existe que très peu de contrechamps et la bande son, notamment les hors champs ont une importance capitale. Tout ce qu’entend Nora, les insultes, les moqueries, n’empêchent pas la caméra de rester sur son visage, à attendre ses réactions. Une prouesse pour la jeune comédienne. Maya Vanderbeque interprète brillamment cette petite fille qui se confronte à un monde hostile. Un rôle certes difficile mais dont la petite fille s’empare avec passion pour rendre la vérité de l’histoire. Günter Duret incarne avec coeur lui aussi le frère de cette petite soeur un peu pot de colle.
Dans ce Monde, l’école, la loi du plus fort règne et elle est celle du harceleur. Même s’il s’agit d’une fiction, face à un fléau maintes fois dénoncé, la cinéaste souligne l’impuissance du réseau scolaire pour contrer le phénomène. C’est sans doute pour ces raisons que Laura Wandel présente ce drame immersif sobrement. « un monde » lit-on au générique début, inscrit au centre en tout petit sans majuscule, car il n’en vaudra pas la peine, ce monde-là. A la fin aussi, la sobriété est de mise. Les titres défilent sur le silence. Comme pour mieux permettre au spectateur d’assimiler le choc frontal avec l’horrible réalité des cours de récré et peut-être ouvrir la porte aux solutions.
Un Monde est aussi très réussi par la différence entre la douceur de ce que représente l’enfance, l’innocence et la réalité, la violence de la société dans la cour d’école. Exit la naïveté, Laura Wandel confronte l’idée que les enfants ne sont pas que des petits êtres chétifs remplis de bienveillance. Bien souvent la psychologie, le passif explique les comportements, comme la reproduction des agressions que l’on découvre dans le film.