
Rodéo, retenez bien le titre de ce premier long métrage viscéral, puissant et organique de Lola Quivoron, l’une de ces pépites qui apparaissent soudain dans le paysage cinématographique nous invitant à découvrir une cinéaste à l’écriture neuve et bien trempée. Cet ovni a défrayé la chronique en mai dernier sur la Croisette, raflant au passage le Coup de coeur du Jury Un Certain Regard. Et c’est un (gros) coup de coeur.
Cheveux au vent, sourire solaire irrésistible, Julia n’a pas froid aux yeux. Passionnée de moto, elle intègre le monde très fermé du rodéo urbain. Seule dans ce monde d’hommes, elle va devoir jouer des coudes, jusqu’à ce qu’un accident fragilise sa position au sein de la bande.
Lola Quivoron signe l’énergique portrait d’une femme mutante qui vit au son des vrombissement et hume l’essence. Une amazone contemporaine qui se métamorphose au gré de ses besoins. Inclassable, même si l’on cherche à la faire entrer dans une case. « Femme », « métisse », elle n’est rien de tout cela, car avant tout, Julia est libre. Elle vit de menus larcins pour embrasser sa passion. Actrice débutante, Julie Ledru est bluffante. Habituée du milieu, elle est le premier rôle d’un casting de non professionnels à saluer (Yanis Lafki, Louis Sotton) dirigé avec brio par la cinéaste. Actrice professionnelle qui a participé à l’écriture du scénario de ce récit au rythme effréné, vif, au montage au cordeau, Antonia Buresi interprète quant à elle la désoeuvrée Ophélie.
La mise en scène visionnaire suit les dérapages des motivations des personnages sur une bande son ravageuse. Lola Quivoron filme les figures à moto comme un art. Elle nous ouvre les yeux. On admire pour la première fois cette discipline, qui ressemble aux plus beaux tableaux de spectacles équestres sur une bécane roulant à fond sur le bitume.
L’urgence du récit est totale, dans une idée de rapport à la vie à la mort de cette héroïne engagée dans un chemin libre et sans entraves. Le ton de la narration épouse le portrait de cette jeune femme avec brio dans une écriture cinématographique acérée, collée à son sujet, qui le magnifie et concrétise la naissance d’une cinéaste.