Second Tour, une tragicomédie politiquement explosive d’Albert Dupontel

Après Adieu les Cons, Dupontel emmène ses personnages dans le monde très privilégié des élites. Second Tour est une tragicomédie jouissive à la fois explosive et burlesque. Fidèle à ses aspirations, le cinéaste signe une oeuvre à l’humour corrosif sur fond d’urgence sociétale. Des personnages hauts en couleurs aux aventures hilarantes sur un fond dramatique, comme il sait si bien les mettre en scène. (A lire : entretien avec Albert Dupontel).

Journaliste politique rétrogradée au rayon foot par sa chaine de TV, la sérieuse Melle Pove, délicieuse Cécile de France, fait équipe avec un cadreur, Gus, hilarant Nicolas Marié, candide toujours ébahi qui vit littéralement dans la galaxie foot. Duo clownesque entre l’auguste et le clown blanc, l’intelligente et le naïf, le tandem fonctionne à merveille. « Info must go on » clamera son patron et la belle reprendra ses activités au sein du service politique de la chaine pour suivre l’entre-deux-tours de la campagne présidentielle. Le favori pour les élections à venir est le charismatique Pierre-Henry Mercier, Albert Dupontel, héritier d’une puissante famille française et novice en politique. Troublée par ce candidat qu’elle a connu moins lisse que ce « galet », la journaliste va mener une enquête étonnante et inattendue.

D’un abord burlesque la comédie tournera vite au thriller sombre et inquiétant à travers cette enquête à la Elise Lucet. Car la futée Melle Pove ment comme elle respire pour obtenir ce qu’elle veut. Derrière une savante critique des médias, le duo construit ses reportages tandis que le directeur de la chaine impose ses questions à la journaliste un peu trop zélée à son goût. Il établit également un contrôle de ses reportages, sait-on jamais…
Le scénario écrit par Albert Dupontel nous emmène dans des méandres narratifs inattendus. On suit des personnages attachants, clownesques dans leur enquête, des héros imparfaits mais motivés. Le cinéaste a toujours de l’empathie pour des personnages hors-normes, des gens sur le bord de la route qui vont révéler des ressources insoupçonnées. Dupontel est toujours du côté du peuple et c’est encore en faisant des pieds nickelés ses héros qu’il réussit cette comédie populaire où le collectif est roi.

C’est au fond une acerbe critique de notre société à laquelle s’attelle cette comédie noire. Second tour pourrait bien sûr, faire référence à un certain second tour de 2022 en France. Pierre-Henry Mercier est un candidat porté par des grandes puissances économiques, un pantin en somme. De la à le comparer à Macron porté par les banques françaises il n’y a qu’un pas…

Le film explore des thèmes chers au cinéaste comme la politique, l’école, les médias, l’écologie. A la fin deux mondes s’opposeront, celui du profit, du capitalisme qui court à cent à l’heure sans jamais se retourner, se remettre en question. De l’autre la nature, les abeilles traitées aux insecticides et au glyphosate incapables de s’orienter, magnifié par une séquence au sein du paradis perdu. Quoi de mieux qu’une comédie populaire pour tenter le nécessaire rééquilibrage entre ces deux mondes ? Une comédie guérisseuse qui panse les plaies d’un monde atrophié qui fonce dans le décor. A travers cette tragicomédie se diffuse un cri d’alarme. Dupontel projette sur le grand écran un miroir glaçant de notre société contemporaine noyé sous une épaisse couche d’humour.

Entretien avec Albert Dupontel pour Adieu les cons & critique.
Entretien avec Emilie Dequenne & Critique d’ Au Revoir là-haut