Première œuvre puissante du belge Lukas Dhont, Girl évoque le sujet du genre avec beaucoup de délicatesse. Cette comédie dramatique est présentée dans la catégorie Un Certain Regard au Festival de Cannes et concourt pour la Caméra d’Or. (Update! Girl a depuis collectionné les prix à Cannes : Caméra D’Or, Queer Palm, Prix d’Interprétation Un Certain Regard pour Viktor Polster, Prix FIPRESCI une belle surprise ce premier film!) Lukas Dhont avait participé à la Résidence de la Cinéfondation du festival en 2017, qui permet aux jeunes cinéastes de travailler sur leur projet de film.
Lara, sage jeune fille blonde de quinze ans, rêve de devenir danseuse étoile. Son père la soutient dans sa quête d’absolu. Mais son corps ne se plie pas facilement à l’exigeante discipline qu’est la danse et Lara va être rudement mise à l’épreuve, car elle est née garçon.
Le scénario, co-écrit avec Angelo Tijssens dresse un portrait intime de Lara et montre les bouleversements de l’adolescente emprisonnée dans un corps qui ne lui correspond pas. La jeune fille s’impose un double challenge. Celui de transformer son corps, et celui de réussir dans la danse. On la suit dans ses problèmes cruellement fondamentaux liés à ce corps encombrant qu’elle subit et qu’elle cache. Etre vêtue d’un justaucorps durant les cours de danse suppose pour elle de cacher ses parties intimes quitte à en souffrir.
Très vite on entre dans le récit par trois lieux symboliques qui reviendront régulièrement puisqu’ils sont essentiels dans la vie de Lara. L’école de danse dans laquelle elle espère rester. L’hôpital où l’on apprend sa souffrance et son état, elle attend un traitement hormonal. Enfin, les séances chez le psychiatre qui vont l’aider à se définir en tant que personne et lui permettre d’évoluer.
Le jeune Victor Polster métamorphosé, cheveux long blonds, réalise une prestation exceptionnelle en interprétant le rôle de Lara. Il virevolte dans la salle de danse avec beaucoup de grâce et se plonge dans ce rôle avec beaucoup de sensibilité. Arieh Worthalter (Eternité, Razzia), est Mathias, un père à l’écoute de sa fille avec qui il entretient une relation très proche. Si Milo, six ans, frère de Lara, et son père sont perturbés par l’opération future, Lara voit dans celle-ci la délivrance et le bonheur.
Lukas Dhont filme de manière très juste la danse de l’héroïne comme un « combat contre elle-même ». La caméra en mouvement suit le rythme de Lara lorsqu’elle danse en cadrage serré et l’on ressent tous les efforts fournis par la jeune fille. « Les jeunes ballerines commencent les pointes à 12 ans avec des méthodes douces », lui confiera sa professeure particulière. Mais pour Lara, c’est la méthode accélérée qui s’applique puisqu’elle doit faire ses preuves très rapidement pour espérer rester dans la meilleure école de danse du pays.
Girl s’ancre dans la réalité de la Belgique. Les personnages s’expriment indifféremment en français ou en néerlandais. Si l’année dernière Coby, présenté à l’ACID racontait en flash-back le changement de sexe en version documentaire, Girl en est sans doute l’équivalent en fiction. L’émotion que le film dégage est du même ordre. Comme pour la personnalité attachante de Coby, on ne peut qu’éprouver de l’empathie face à Lara, cette fille sûre d’elle qui ne demande qu’à se sentir elle-même.
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