Adam de Maryam Touzani, l’enfermement au féminin à Casablanca

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Réalisé par l’actrice, scénariste et réalisatrice marocaine Maryam Touzani (entretien), Adam est un premier long métrage intimiste poignant. La cinéaste place la femme au centre de son récit dans la société contemporaine marocaine. Elle nous raconte une rencontre, celle de deux personnages féminins au cœur d’un drame intimiste fort. Celles-ci vont se jauger, apprendre à se tolérer puis à vivre ensemble, seules dans la société traditionaliste marocaine. Adam était projeté en Sélection Un Certain Regard au dernier festival de Cannes. C’est précisément le regard singulier que porte la cinéaste sur ses personnages qui créé la beauté de ce huis clos. 

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Une jeune femme frappe aux portes de Casablanca, proposant ses services pour de menus travaux. Lorsque le cadre s’élargit on aperçoit son ventre rebondi, Samia est enceinte. Abla vit avec sa fille et tient une petite pâtisserie. Elle ouvrira sa porte à la jeune femme bon gré mal gré, s’assurant du départ rapide de cette indésirable.

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L’art du scénario dans ce huis clos est indéniable. La relation entre les deux femmes est très subtile. Parfaitement envisagées dans leur complexité elles sont incarnées par des comédiennes engagées dans leur rôles, visages nus, sans maquillage, en proie à la fatigue éventuelle, elles se confrontent aux gestes du travail avec un vrai effet de réel. Enceinte, Samia, Nisrin Erradi, est traitée moins bien qu’un animal. C’est une pestiférée. La honte et le mépris planent sur la jeune femme seule, rejetée malgré son état dans une injustice criante.

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La stoïque Abla, Lubna Azabal, plus âgée et d’apparence froide est très ambigüe. Elle lui ouvre la porte tout en s’assurant de son départ rapide. Ses contradictions bien définies sont très pertinentes. Se consacrant au travail, et pour combler la honte elle fera passer la jeune femme pour sa cousine. Si Abla est incapable de montrer ses émotions, Samia distillera quant à elle un peu de gaité dans cette maison et va notamment devenir une compagnie pour la petite fille d’Abla.

Maryam Touzani signe un film fort où trois générations de femmes indépendantes survivent sans hommes dans une société patriarcale. Cette émouvante histoire dénonce le statut de la femme enceinte hors mariage, bête noire d’une société fermée et passéiste et au-delà celui d’un bébé né bâtard. Rien que cette idée glace le sang.