Véritable cri d’alarme réalisé par l’Allemande Nora Fingscheidt « System Crasher » est à l’origine une appellation officieuse désignant les enfants difficiles pour qui le système ne peut plus rien. S’appuyant sur une mise en scène nerveuse épousant l’urgence de la situation, le drame dépeint brillamment les sévères manquements et derniers rouages d’une administration sensée venir en aide aux enfants difficiles. Ours d’Argent du Meilleur premier film à la 69^ème Berlinale.

Charmante blondinette habillée de rose, Benni, neuf ans, formidable Helena Zengel, ne rêve que d’une chose, voir et vivre avec sa mère, Lisa Hagmeister. Ses crises de colère fulgurantes l’éloignent de jour en jour d’une trajectoire « normale » et de la scolarité. Les fonctionnaires tentent de venir en aide à cette petite au besoin de soutien incommensurable mais se heurtent aux limites administratives. Une chaîne humaine se constitue avec des éducateurs passionnés qui s’impliquent dans un travail essentiel avec le risque que la frontière avec leur vie privée ne s’estompe. Cela constituerait à la fois un danger pour l’enfant et un échec pour l’éducateur. La responsable de Benni, Madame Bafané, émouvante Gabriela Maria Schmeide, se démènera pour laisser une chance à l’enfant afin d’éviter l’institution spécialisée où elle serait condamnée. Michael Heller, Albrecht Schuch, son nouvel accompagnateur trouvera lui, la juste distance avant d’être accepté par la petite devenue allergique à l’école.

Dès le début du film on est emmenés par un langage cinématographique acéré dans une scène violente, directe – une crise de l’enfant – la caméra est mouvante, sans attache, suivant son sujet au fur et à mesure des événements, accentuant l’aspect de réel de l’action. La cinéaste nous montre dès le premier plan l’enfant sauvage qu’est devenue Benni. La petite fille se transforme en monstre à cause de la sauvagerie du monde qui l’entoure. On pense bien sûr au film L’Enfant Sauvage de François Truffaut où l’état d’un enfant vivant de manière primitive seul dans la nature s’apparentait à celui d’un animal. Ici Nora Fingscheidt montre que la jungle autour de Benni la plonge dans cet état primitif. Elle démontre peu à peu comment l’entourage de l’enfant la condamne dans sa folie et que des solutions simples, logiques et naturelles sont les meilleures pour la petite fille.

Benni est une énigme pour un système éducatif défaillant. Nullement responsable de ses actes, l’enfant paie pour les fautes des adultes, et nous émeut terriblement. Lorsque des solutions positives hors traitements médicamenteux émergent, elles fonctionnent. La petite fille respire et accède au calme. Une oeuvre belle et profondément humaine dénonçant un système éducatif allemand qui enfonce ses enfants à la place de les sauver.