
En signant Ballad of a white cow (Le Pardon) Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha prennent le pouls de la société iranienne actuelle par le biais de la justice. Ils en dressent un portrait intelligent et fouillé et montrent l’homme face au cynisme d’un système. Les cinéastes n’ont malheureusement pas l’autorisation de montrer le film en Iran. Il poursuit cependant une tournée internationale dans de beaux festivals en commençant cette année par la Berlinale.
Mina, ouvrière, mère et veuve s’occupe de sa fille sourde. La jeune femme se trouve bouleversée quand elle apprend que son mari a été exécuté pour un crime qu’il n’a pas commis. Elle va alors mener une bataille contre un système pour la justice, l’indépendance et la reconnaissance.
Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha signent un drame poignant dans la Lignée des réalisateurs iraniens tels Asghar Farhadi. Si le scénario ne refuse pas les malheurs, la mise en scène assez radicale composée de plans fixes plante la froideur du décor pour mieux laisser éclore les réactions des personnages, les silences, la gêne jusqu’à provoquer la naissance d’une certaine étrangeté narrative. Ce drame dresse un portrait de la société iranienne par le biais de sa justice et de son système profondément partial. Lors d’une erreur judiciaire extrême se résolvant par la peine de mort, on évoque : « c était la volonté de dieu ». Personne ne prendra la responsabilité de cette irréparable erreur, surtout pas le tribunal. Le film dévoile aussi la dramatique situation de la femme à travers l’histoire de la courageuse Mina. La performance de Maryam Moghaddam est à saluer. En plus de réaliser, la comédienne interprète remarquablement le rôle de cette femme soudain choquée par l’innommable erreur judiciaire qui a tué un homme innocent, son mari et père de sa fille. Ce drame est par ailleurs inspiré de la vie de ses parents.
Même veuve la femme n’est jamais indépendante. Elle dépend toujours de sa belle-famille qui la harcèle pour vérifier qu’elle ne touche pas d’argent sans le dire à personne. Elle ne peut recevoir un homme chez elle sans être rejetée. On la prie notamment d’accepter le « prix du sang versé » pour acheter une maison et y vivre « en famille ». En échange du pardon de la famille, le coupable lui verserait une somme d argent et éviterait ainsi la peine de mort. De l’argent pour effacer toute culpabilité, voilà un système bien étrange dont le cynisme atteignait aussi son paroxysme dans Yalda, la nuit du pardon de Massoud Bakhshi qui jugeait une condamnée sous les spots d’une émission de téléréalité. Mina déploie une force incroyable pour continuer à vivre tête haute et librement avec sa fille malgré son statut qui dans cette société fait d’elle une paria.