C’est avec brio, beaucoup d’audace et un humour corrosif qu’Alex Vizorek a présenté ce samedi 2 février la 9e cérémonie des Magritte du cinéma, rendez-vous incontournable du cinéma francophone, puisqu’au nord du pays les Ensors récompensent les films flamands. Mais la Belgique est ainsi faite et cette année deux films ont été reconnus à l’international, l’un francophone, l’autre flamand. Nos Batailles de Guillaume Senez ouvrait la Semaine de la Critique à Cannes, tandis que Lukas Dhont y raflait la Caméra d‘Or section Un Certain Regard avec Girl (nommé au meilleur film en langue étrangère aux Golden Globes). Selon le règlement des Magritte un film flamand ne peut concourir dans la catégorie du meilleur film, mais peut être récompensé dans d’autres sections. Il eut été étrange que les Magritte ne récompensent pas à leur tour ces deux long métrages à la mise en scène d’auteur affirmée en prise réelle avec leur époque et qui constituent leur point commun.

Nos Batailles remporte 5 Magritte dont ceux tant convoités du Meilleur film et du Meilleur réalisateur pour Guillaume Senez : « C’est une reconnaissance des pairs. Je suis ravi et cela me conforte d’avoir fait les bons choix de vie, d’être artiste et réalisateur, même si ce n’est pas tous les jours facile. » Il se prépare à tourner un court-métrage dans le cadre d’une collection pour promouvoir les jeunes comédiens belges et commence l’écriture de son 3e long-métrage. Il sera présent à la cérémonie des Césars ce 22 février pour soutenir Romain Duris son acteur principal dans Nos Batailles, nommé pour le César du Meilleur acteur.

Lucie Debay (Magritte 2016 du Meilleur espoir féminin pour Mélody de Bernard Bellefroid) reçoit le Magritte de la meilleure actrice dans un second rôle. L’actrice se dit émue par ce Magritte. Elle décrit son personnage comme une mère borderline qui si elle ne part pas meurt, coincée par sa situation. Sa collaboration avec Guillaume Senez est marquée par le côté très à l’écoute du réalisateur, et le fait qu’il laisse la place aux acteurs et à l’humain notamment par l’improvisation. Julie Brenta remporte le Magritte du Meilleur montage (Magritte et César du Meilleur Son avec Olivier Hespel et Jean-Pierre Laforce pour L’Exercice de l’Etat de Pierre Schoeller). La monteuse évoque une collaboration de longue haleine et de confiance avec Guillaume Senez, un « processus qui bonifie avec le temps ». La jeune Lena Girard Voss est Meilleur espoir féminin. Sur scène, portée pour atteindre le micro bien trop haut, elle demandera à Basile (Grunberger) son « collègue » et frère dans l’histoire de Nos Batailles de monter sur scène auprès d’elle.


Girl repart avec 4 Magritte dont celui du meilleur scénario pour Lukas Dhont et Angelo Tijssens. Lukas Dhont rend hommage à Nora Monsecour et à l’histoire de celle-ci, source d’inspiration pour lui et point de départ du tourbillon « Girl ». Il se déclare fier de ce long métrage et souligne le long travail d’équipe de 4 ans qui a mené à la réalisation de ce film.

Victor Polster récolte le Prix du Meilleur acteur pour son interprétation exceptionnelle de Lara. Le jeune acteur de 16 ans se confie sur son avenir. Girl est son premier projet cinématographique et lui donne envie de découvrir un peu plus ce milieu. Etudiant danseur, il a conscience que même en étant très doué la carrière d’un excellent danseur s’arrête à 40 ans. Il ne ferme pas la porte au cinéma et craint l’effet de décompression après l’incroyable folie autour de Girl, vécue comme un choc. Arieh Worthalter qui interprète admirablement le père de Lara décroche le Magritte du Meilleur acteur dans un second rôle. Et enfin, sans surprise, Girl est sacré Meilleur film flamand.

Laissez bronzer les cadavres d’Hélène Cattet et Bruno Forzani récolte 3 Magritte. Celui du Meilleur son pour Yves Bemelmans, Olivier Thys, Benoit Biral, Dan Bruylandt qui remercient Aline Gavroy. Le prix des Meilleurs décors va à Alina Santos. Et enfin celui de la Meilleure image est attribué à Manu Dacosse référence internationale par ses collaborations (L’Amant Double de Francois Ozon). C’est le 3eme Magritte de ce Directeur Photo, après L’Etrange couleur des larmes de ton corps en 2015 (des mêmes réalisateurs), et pour Alléluia de Fabrice Du Welz en 2016. Manu Dacosse est toujours autant ému à la réception d’un Magritte : « On n’est jamais blasé parce qu’on ne reçoit pas un prix pour soi mais pour un film. Je suis heureux de défendre celui-ci. Avec Bruno et Hélène c’est une sorte de retour aux origines. Ils me permettent une liberté artistique totale, me poussent dans mes retranchements. Je peux aller très loin avec eux car les frontières du film ne sont pas définies, on expérimente toujours ».

La cérémonie était placée cette année sous le signe du cinéma d’animation avec des Présidents Vincent Patar et Stéphane Aubier dont le discours « oublié dans le bus », a été illico remplacé par celui de Cowboy et Indien, ouf ! Raoul Servais, maitre de l’animation belge qui se qualifie lui-même d’artiste et d’artisan, a reçu le Magritte d’Honneur. L’occasion de rappeler à tous ses rapports mouvementés avec ce grand artiste, qui se terminèrent heureusement par une réconciliation entre les deux hommes (Il avait été congédié durant ½ journée par le peintre Magritte).
Palmarès complet :
MEILLEUR FILM
Nos batailles de Guillaume Senez, produit par Isabelle Truc (Iota Production)
MEILLEUR PREMIER FILM
Bitter flowers d’Olivier Meys, produit par Valérie Bournonville et Joseph Rouschop (Tarantula)
MEILLEURE RÉALISATION
Nos batailles : Guillaume Senez
MEILLEUR FILM FLAMAND
Girl de Lukas Dhont, produit par Dirk Impens (Menuet)
MEILLEUR FILM ETRANGER EN COPRODUCTION
L’homme qui tua Don Quichotte de Terry Gilliam, coproduit par Sébastien Delloye (Entre Chien et Loup)
MEILLEUR SCENARIO ORIGINAL OU ADAPTATION
Girl : Lukas Dhont, Angelo Tijssens
MEILLEURE ACTRICE
Tueurs : Lubna Azabal (rôle : Lucie Tesla)
MEILLEUR ACTEUR
Girl : Victor Polster (rôle : Lara)
MEILLEURE ACTRICE DANS UN SECOND ROLE
Nos batailles : Lucie Debay (rôle : Laura)
MEILLEUR ACTEUR DANS UN SECOND ROLE
Girl : Arieh Worthalter (rôle : Mathias)
MEILLEUR ESPOIR FEMININ
Nos batailles : Lena Girard Voss (rôle : Rose)
MEILLEUR ESPOIR MASCULIN
L’échange des princesses : Thomas Mustin (rôle : Duc de Condé)
MEILLEURE IMAGE
Laissez bronzer les cadavres : Manu Dacosse
MEILLEUR SON
Laissez bronzer les cadavres : Yves Bemelmans
MEILLEURS DECORS
Laissez bronzer les cadavres : Alina Santos
MEILLEURS COSTUMES
Bye bye Germany : Nathalie Leborgne
MEILLEURE MUSIQUE ORIGINALE
Au temps où les Arabes dansaient : Simon Fransquet
MEILLEUR MONTAGE
Nos batailles : Julie Brenta
MEILLEUR COURT METRAGE DE FICTION
Icare de Nicolas Boucart, produit par Julie Esparbes et Anthony Rey (Hélicotronc)
MEILLEUR COURT METRAGE D’ANIMATION
La bague au doigt de Gerlando Infuso, produit par Annabella Nezri (Kwassa Films)
MEILLEUR DOCUMENTAIRE
Ni juge ni soumise de Jean Libon et Yves Hinant, produit par Patrick Quinet (Artémis Productions)
Rendez-vous l’année prochaine pour fêter les 10 ans des Magritte du cinéma!